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la température de 100 degrés nécessaire pour tuer les microbes. D’après les recherches du docteur Vallin, le bœuf rôti qu’on sert sur nos tables n’a jamais dépassé 60 degrés dans ses parties centrales, et est parfois resté à 48 degrés.

D’un autre côté, la viande crue entre comme élément dans le traitement d’un certain nombre de maladies. Il est donc impossible d’affirmer qu’on ne peut pas contracter la tuberculose de cette façon ; mais ces chances sont trop hypothétiques pour qu’il soit nécessaire de condamner les gens à ne manger le bœuf que bouilli, ou rôti jusqu’à ce que la température du centre ait atteint 100 degrés, ce qui suppose la carbonisation des parties superficielles et équivaut à une proscription. Tout ce qu’on peut faire, à mon avis, c’est d’insister sur la surveillance de la viande de boucherie, dans les abattoirs, les halles et les marchés. Jusqu’ici, on s’est borné à rejeter celle des animaux amaigris, épuisés par la tuberculose ; mais on livre à la consommation les chairs de belle apparence, alors même que les viscères sont farcis de tubercules. Il faudrait renoncer à cette tolérance excessive. Les congrès d’hygiène et de médecine vétérinaire se sont efforcés de fixer le degré d’altération au-delà duquel les viandes doivent être rejetées de la consommation. Ils se sont montrés de plus en plus sévères ; mais, cependant, ils n’ont pas osé pousser les choses jusqu’à proscrire d’une manière absolue la chair des animaux dont les viscères présentent quelques noyaux tuberculeux, lorsqu’elle en est elle-même exempte et qu’elle paraît de bonne qualité.

La pommelière est si répandue dans l’espèce bovine qu’il serait excessif, pour un danger qui n’est encore qu’à l’état de supposition, de soustraire des quantités considérables de viande à l’alimentation des classes pauvres qui sont loin d’en consommer assez. Il serait possible, ce me semble, de concilier ces deux intérêts en faisant bouillir à l’abattoir même les viandes suspectes. On en serait quitte pour les livrer ensuite à des prix inférieurs, en indemnisant leurs propriétaires. Quant aux malades auxquels les médecins prescrivent le régime de la viande crue, ils peuvent éviter les chances très faibles de contamination que peut leur faire courir celle du bœuf, en la remplaçant par la chair du mouton chez lequel la tuberculose est extrêmement rare.

En Italie, le règlement du 3 août 1890 sur la police des abattoirs autorise également la mise en vente des animaux qui n’ont de tubercules que dans un seul viscère, lorsque les muscles et les ganglions en sont exempts ; mais ces viandes sont vendues dans des locaux particuliers. Un écriteau indique qu’elles ne doivent être consommées que très cuites, et, comme toutes les viandes de qualité inférieure, elles doivent être timbrées, au fer rouge, des