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comme un critérium certain. Il déclara avoir obtenu des guérisons rapides dans les cas récens et légers de tuberculose chirurgicale, un amendement notable dans les cas graves et une amélioration positive de la phtisie à son début. Ces résultats étaient confirmés par tous les médecins de son entourage, et notamment par Frœntzell et par Bergmann ; Billroth (de Vienne) faisait à sa clinique le plus grand éloge de la nouvelle méthode ; les médecins qui revenaient de Berlin étaient enthousiasmés ; Lister et Mackensie annonçaient des merveilles. On apprenait coup sur coup que l’empereur venait de conférer au docteur Koch la grand’croix de l’Aigle-Rouge, que la municipalité de Berlin lui avait décerné la bourgeoisie d’honneur. On parlait d’un Institut qui devait éclipser tous les établissemens scientifiques du globe, d’une dotation princière offerte au savant qui avait eu le bon goût de la refuser, et tout cela nous arrivait grossi, dramatisé par les commentaires de la presse.

Comment ne pas s’associer à un mouvement aussi général ? Les savans français firent comme les autres, et acclamèrent le professeur de Berlin, avec un désintéressement dont leurs confrères d’outre-Rhin ne leur ont jamais donné l’exemple. M. Pasteur, qui avait eu avec l’auteur de nombreux démêlés scientifiques, lut le premier à envoyer ses félicitations et celles de ses collaborateurs au savant qu’il est en droit de considérer comme son élève, car les travaux auxquels le docteur Koch doit sa juste renommée ont eu pour théâtre le monde nouveau découvert par le génie de notre illustre compatriote.

Tous les médecins de France pourtant ne partageaient pas l’engouement général. Un certain nombre d’entre eux se tenaient sur la réserve. Ils attendaient la confirmation des résultats annoncés ; ils désiraient surtout connaître le remède avant de l’employer. Cette attitude circonspecte était légitimée par le mystère étrange qui entourait la nouvelle découverte et par le silence que gardait son auteur sur la nature du liquide dont il se servait. Cette discrétion, qu’on aurait pu qualifier autrement, n’était pas dans les habitudes du docteur Koch. Il avait passé jusqu’alors pour un savant correct et consciencieux. Tous ceux qui le connaissent rendent justice à sa droiture. J’ai eu l’occasion, à deux reprises, de me trouver en relations suivies avec lui, et je suis convaincu qu’il est incapable d’avoir fait les calculs qu’on lui a prêtés, et qu’il a toujours été étranger au commerce scandaleux qui s’est fait autour de lui. Il n’a fait qu’obéir à une volonté devant laquelle tout cède dans son pays. Cette volonté impatiente ne pouvait s’accommoder de la lenteur de l’expérimentation scientifique. Il s’agissait d’assurer à l’Allemagne la