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sur sa ville, natale les bienfaits les plus intelligens et de la plus délicate façon ; en 1873, elle s’avise que cette immense population ouvrière, enfermée dans une ville sans air et sans lumière, a besoin de respirer l’air des bois, de contempler la verdure, de s’ébattre sur des prairies molles et fraîches, et elle offre aux habitans de Birmingham le plus beau parc qu’ils aient jamais rêvé, d’une superficie de 57 acres, pourvu de terrains propres au cricket, au football, au tennis, tel enfin qu’aucune municipalité, si riche fût-elle, n’en saurait acheter. Miss Ryland n’est pas satisfaite, son besoin de donner n’est pas assouvi, et, en 1879, elle offre aux habitans d’une autre partie de la ville un autre parc presque aussi beau, d’une superficie de 41 acres.

Il me semble que j’en ai dit assez maintenant pour justifier mon titre : Birmingham est une véritable petite république au sein d’une monarchie, et une république bien gouvernée. La vie municipale y circule à pleins flots ; la liberté n’y a pas de limites apparentes. La commune est toute-puissante ; elle affirme sa toute-puissance, mais n’en abuse pas. Elle construit des monumens municipaux qui seraient un défi s’ils pouvaient défier quelqu’un ; mais à Birmingham, comme dans toute ville anglaise, il y a aussi peu que possible de représentans visibles du pouvoir central : nulle part, la trace d’une tutelle, d’une défiance d’en haut, d’une entrave à ces hommes libres ; on les a traités en gens raisonnables, et ils ont agi comme tels. N’est-il pas étrange de ne rencontrer dans une ville de 500,000 habitans ni bureaux administratifs, ni préfecture peuplée de gratte-papiers expédiés de la capitale, ni magistrats, ni tribunaux permanens ? Les hommes se jugent entre eux ; ils élèvent et instruisent leurs enfans à leur façon, soignent leurs malades comme ils l’entendent, tracent et percent leurs rues à leur guise. Je vous dis que ce sont d’excellens républicains ; le nom seul leur manque, mais ils ont la chose, et cela leur suffit : ce sont des sages.


IV

Birmingham est à la frontière du u pays noir ; » elle en tire son charbon, son fer.

Le pays noir, la nuit : effet lugubre. De Birmingham à Wolverhampton, trois quarts d’heure de trajet en chemin de fer d’un bout à l’autre du pays noir. Des maisons, des usines à l’infini, et sur tout cela, à fleur de terre, sous le ciel clair, étoile, balayé par un vent violent, une couche uniforme, grisâtre de fumée. Des formes indistinctes, d’immenses cheminées pareilles à autant de torches