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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juillet.

Que de mal, que d’embarras de toute sorte on s’épargnerait, que de crises et de réactions, peut-être un jour ou l’autre inévitables, on pourrait prévenir pour le bien du pays, pour la sûreté de la république elle-même ! Que de dangers on pourrait détourner, si on voulait bien se décider à ne pas tout compliquer à plaisir, à mettre un peu de clarté dans les affaires, un peu d’ordre dans le gouvernement et dans le parlement, un peu d’esprit de suite, de raison et de prévoyance dans l’administration de notre vie nationale !

Comme on pourrait éviter les regrets du temps perdu, les efforts stériles et les mécomptes, si on prenait une bonne fois la résolution d’en finir avec les déclamations, les faiblesses de pouvoir, les fétichismes de parti, les confusions d’idées et les réminiscences surannées des temps sinistres ! Malheureusement, c’est comme une fatalité : parlement, partis, ministres, n’en sortiront pas. Ils ne cessent de se débattre dans une espèce d’anarchie chronique, à demi régularisée, où les intérêts d’un pays qui n’aspire qu’à l’ordre et à la paix deviennent ce qu’ils peuvent. On protège, on prétend plus que jamais protéger l’industrie par un système de tarifs à outrance, et on prépare sa ruine par des lois qui ne pourront pas être exécutées ou qui ne seront qu’une occasion de conflits meurtriers. Avec les meilleures intentions, si l’on veut, par un intérêt naturel pour les ouvriers, on se laisse aller à ce courant de socialisme légal qui s’attaque à toutes les conditions de la vie industrielle ; on encourage sans le vouloir la guerre intestine dans le monde du travail. On se perd dans cette œuvre de prétendue réformation sociale, qui n’est que le commencement de la désorganisation, et, chemin faisant, on a encore du temps pour les discussions oiseuses ou irritantes d’histoire rétrospective, qui ne servent qu’à aigrir les esprits, à perpétuer les divisions. On fait de la politique, une triste politique, avec d’inutiles retours sur la révolution française.