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très près, je pourrais établir sur ces toits des tirailleurs qui balaieraient le rempart et le rendraient intenable, de façon à favoriser les approches de la porte que j’avais choisie pour point d’attaque.

Je fis partir, pour flanquer ma droite, mes voltigeurs et la 4e compagnie. J’ordonnai à l’officier qui les commandait de s’établir dans un autre couvent voisin de la porte de Cubillos, et de fusiller de là tout ce qui paraîtrait.

J’envoyai à ma gauche la 2e compagnie pour occuper les maisons et les jardins qui bordaient le Duero. Je restai au centre avec trois compagnies. Comme l’on ne pouvait entrer dans le couvent du centre par la porte, parce qu’elle faisait face à la ville, je fis pratiquer par l’artillerie une brèche sur la face opposée du mur d’enceinte du couvent. Dès que cette brèche fut ouverte, je fis monter sur les toits deux compagnies qui ouvrirent aussitôt leur feu contre les défenseurs du rempart et les contraignirent promptement à l’évacuer. Sous cette protection, mes deux pièces furent mises en batterie et tirèrent sur les canons des remparts, mais elles eurent peu d’effet.

Je fis alors amener mes pièces à bras devant la porte que je voulais enfoncer. Bientôt nous vîmes sortir de la terre par les trous que les boulets faisaient dans cette porte. Elle était murée et remblayée : on ne pouvait l’enfoncer. Ayant remarqué que le pied des remparts était accessible, je voulus tenter une escalade.

Je fis réunir au couvent du centre toutes les échelles qu’on put trouver ; on en fabriqua d’autres avec des palissades, on amena des charrettes, des meubles, tout ce qui pouvait servir à s’élever pour atteindre le rempart, et pendant qu’on préparait les échelles, je fus visiter ma droite, où le feu était très vif. Je voulais examiner si l’escalade ne serait pas plus facile de ce côté. J’étais encore occupé à étudier le rempart sur ce point quand je vis, de loin, une des compagnies que j’avais laissées en réserve quitter son poste et courir vers la ville. Je soupçonnai aussitôt que quelque étourdi avait marché sans mon ordre. Je retournai promptement au centre et je vis mes grenadiers, perchés sur une mauvaise échelle, s’efforcer d’atteindre la muraille : quelques-uns y étaient déjà parvenus. Je fus saisi d’indignation contre les officiers que je crus les auteurs de cette désobéissance, surtout contre le capitaine des grenadiers, officier brave, mais très enclin au pillage. J’étais certain que c’était à ce mobile honteux qu’il fallait attribuer ce trop grand empressement et ce mauvais exemple. Cet officier était sur le mur quand j’arrivai au pied. Je lui criai de rallier ses grenadiers et d’attendre que je fusse monté. Il fit néanmoins un pas vers la