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de première, elles diffèrent, suivant que les élèves appartiennent à la section des lettres ou à celle des sciences.

Quand il s’est agi de donner un nom à l’enseignement qu’on venait d’établir, on a été assez embarrassé. L’administration proposait de l’appeler « enseignement classique français ; » mais on y a trouvé quelques inconvéniens. Lui donner le nom d’enseignement français, n’était-ce pas faire croire que, dans l’autre, on n’apprend que le latin ? ce qui n’est pas juste. L’autre, au contraire, soutient qu’il lui conviendrait mieux de porter ce nom qu’à son rival, puisqu’il a la prétention de n’enseigner le latin que pour qu’on sache mieux le français. De même on peut prétendre qu’en appelant l’enseignement nouveau « enseignement classique » on ne le caractérise pas suffisamment, puisque tous les deux peuvent s’appeler ainsi, et même que l’ancien y a plus de droits que l’autre. Assurément Bossuet et Racine sont des classiques, mais ils le sont moins que Cicéron et que Virgile. Il a donc paru que, puisque ce nom prêtait à des confusions fâcheuses, il fallait en chercher un autre. On s’est enfin décidé pour celui qui est en usage ailleurs, notamment en Belgique, et on l’a appelé « enseignement moderne. » Quelques personnes en ont été choquées, elles ont fait remarquer qu’en nommant l’un des deux « moderne, » on paraissait reconnaître que l’autre est vieux et démodé. J’avoue que cette crainte ne me touche guère. Je ne crois pas que, pour un système d’éducation, ce soit une grande qualité de dater d’hier, et un grand défaut de remonter loin. Oui, l’enseignement classique est ancien, antique même, si l’on veut. Il a ses racines dans l’empire romain, et plus haut encore. C’est précisément sa raison d’être. Grâce au nom qu’on lui a donné, aucune confusion n’est possible entre celui qui date d’hier et lui, et c’est ce qu’on devait avant tout chercher. Tous ceux qui veulent que leurs enfans soient élevés comme l’ont été leurs pères sauront au moins où les envoyer.


V

Il était naturel que la création de « l’enseignement moderne » soulevât de très vives disputes. Ce qui est grave, c’est qu’elle a été accueillie avec défiance et inquiétude par une partie du corps enseignant. On l’a bien vu à la mort de M. Merlet, quand les agrégés des lettres, qu’il représentait au conseil supérieur de l’instruction publique, ont eu à lui donner un successeur : leur choix est tombé sur celui de leurs collègues qui s’était le plus résolument prononcé contre les nouvelles réformes.

On ne peut certes pas accuser nos professeurs d’être des conservateurs aveugles, des partisans obstinés des vieilles routines.