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chambres suisses. Certaines voix s’élèvent pour réclamer qu’il en soit autrement. On lui reproche de n’être pas assez près du peuple, de ne pas subordonner, ainsi qu’il conviendrait, sa manière de voir à l’opinion générale, de rendre, sur d’importantes questions de droit public et de droit civil, des jugemens appelés à faire jurisprudence et qui procèdent de théories juridiques étroites, unilatérales, surannées. En viendra-t-on à le faire élire directement, lui aussi ?

Pour le moment, cette question nous paraît dépendre de l’issue d’un autre débat plus sérieusement engagé. C’est à savoir si le conseil fédéral, ou gouvernement suisse, continuera d’être nommé par les chambres. Encore ici, comme dans toutes les réformes de ce genre, il y a du pour et du contre, mais nous sommes fort disposé à croire que le courant démocratique finira par l’emporter et que, dans un avenir plus ou moins éloigné, le conseil fédéral émanera de l’élection populaire. Ce n’est un mystère pour personne que le parti catholique, très naturellement indisposé de son exclusion systématique du conseil fédéral, — qui dure depuis le Sonderbund, — compte demander, à l’aide du droit d’initiative populaire, un changement dans le mode de nomination du pouvoir exécutif. Il n’est point douteux, non plus, que cette campagne sera appuyée par d’autres groupes : les ouvriers, certains radicaux, et même des libéraux modérés, qui estiment que le gouvernement suisse, à l’inverse de tant d’autres, ne se renouvelle pas assez souvent dans son personnel, qu’il s’ankylose et prend des allures autoritaires dont il le faut corriger. Le terrain une fois déblayé de cette question, il sera temps d’aborder celle de l’élection du tribunal fédéral par le peuple.

Nous venons de considérer la possibilité qu’il y a à ce que la désignation du pouvoir exécutif fédéral finisse par être laissée aux citoyens eux-mêmes. Dans les cantons où le gouvernement local est nommé par la législature, cette élection au second degré est également en recul. Le principe de l’élection directe gagne des sympathies, et ce printemps même, le peuple de Saint-Gall, s’orientant de ce côté, nommait pour la première fois au scrutin les membres de son conseil d’État.

Dans un ordre de faits un peu différent, nous devons indiquer une autre conséquence à prévoir de l’extension incessante des droits du peuple. Tant que le système représentatif subsiste dans son ancienne pureté, il est assez naturel que le peuple, qui donne pour ainsi dire carte blanche à ses mandataires, soit appelé, à intervalles rapprochés, à se prononcer sur leur gestion. Le satisfont-ils ? il les conserve ; le mécontentent-ils ? il les élimine. Les nommer pour un terme trop prolongé l’exposerait à de graves déconvenues