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hécatombes de fonctionnaires, afin de fournir des places âprement réclamées par les meneurs des bataillons électoraux, et qu’il a ainsi transformé le jeu de la politique en une lutte pour les « dépouilles, » en une curée fatale à la bonne marche des affaires, et absolument démoralisante. De là, un intéressant mouvement qui a pris naissance il y a quelques années, et qui tend à soumettre la nomination et l’avancement des employés fédéraux aux « règles du service civil, » de façon à les protéger contre l’arbitraire officiel et l’avidité de la gent politicienne, en limitant à leur égard les attributions du chef de l’exécutif.

Ajoutons que ce que nous venons de dire de la nation dans son ensemble s’applique aussi très généralement aux états ; que les gouverneurs de ces états, sorte de présidens au petit pied, ont été d’ordinaire investis du droit de veto suspensif, et qu’il a été reconnu utile de restreindre aussi, en ce qui les concerne, leurs privilèges administratifs par l’introduction des principes du service civil qui ont déjà remporté, en divers quartiers, des victoires décisives, prélude probable d’autres succès.

A côté de cet effort de la part du peuple, pour ressaisir une partie du pouvoir remis à l’origine au chef de l’état, il faut signaler aussi dans la confédération américaine une innovation démocratique récente, qui rappelle à la fois le referendum et le droit d’initiative en usage en Suisse. Nous voulons parler du mécanisme appelé « local option. » La question de la répression de l’alcoolisme a donné tant de tablature aux autorités constituées qu’il a été jugé nécessaire, en quelques États tout au moins, de laisser les districts administratifs se prononcer eux-mêmes, d’une manière indépendante, sur la méthode à suivre : interdiction de la vente des spiritueux, élévation plus ou moins forte des patentes des débits de boisson, limitation de leur nombre, etc.

Ce n’est là encore qu’un embryon de souveraineté populaire directe. Ira-t-on plus loin ? nous l’ignorons, mais nous devons rappeler que la représentation proportionnelle a obtenu au pays de Washington plus qu’un succès d’estime, qu’elle y a reçu un commencement d’application dans les ressorts administratifs inférieurs et qu’elle est venue en discussion au congrès fédéral. Les États-Unis ne possèdent ni le parlementarisme pur, ni la démocratie directe, mais un système mixte, fort ingénieux, qui a donné pendant un siècle des résultats satisfaisans. Il faut toutefois convenir que ce régime a favorisé aussi le développement excessif, souvent scandaleux, des coteries gouvernementales les plus rapaces, et comme c’est là le fléau à combattre, la représentation proportionnelle atteindrait le but. En attendant, il faut regarder, comme étant