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de chaque côté ; devant la scène, l’orchestre, composé des meilleurs musiciens du roi, au nombre de trente-cinq, M. Matho à leur tête. On avait permis aux curieux d’entrer, de sorte qu’il s’y trouva plus de trois cents personnes. Le spectacle dura trois heures, sans ennuyer un moment, remarque Hamilton : il est vrai qu’il fut interrompu vers le milieu par un laquais de Mme d’Albemarle, qui, au meilleur endroit et tandis qu’on suait à grosses gouttes, dérangea tout le monde pour porter une coiffe et une écharpe à sa maîtresse de peur du serein[1].

Le vieux Pincemaille a promis à un autre riche vieillard, M. Fatolet, sa fille Isabelle, qui, naturellement, aime le marquis de Paincourt, plus pourvu de grâces et de jeunesse que d’écus. Comme il sied dans toute comédie qui se respecte, la soubrette Finemouche, les valets Crotesquaset Bruscambille favorisent les amours de Paincourt et d’Isabelle. Soufflée par eux, celle-ci contrefait la muette, bâille sans cesse depuis plusieurs jours : de la sorte, on ajournera le mariage, on gagnera du temps, et le temps est une bonne mère de famille qui arrange bien des choses. Cependant, les vieillards ont imaginé d’appeler le docteur Rhubarbarin : paraît Isabelle, les yeux égarés, qui crache au visage du docteur, lui casse les dents d’un maître soufflet ; il s’enfuit, furieux. Fatolet et Pincemaille courent après lui pour l’apaiser. — Second acte. Bruscambille vante à son maître un médecin incomparable, l’homme le plus savant et le plus désintéressé du monde, qui fuirait à une lieue si on lui offrait une pistole. Seulement, il a avec lui un secrétaire chargé de vendre au prix coûtant les liqueurs spiritueuses qu’il emploie. Pincemaille apprend avec terreur que, pour composer certain remède appelé pot-pourri, il met dans une grande cuve d’argent un œil d’éléphant vif, le foie d’une baleine, la grosse dent d’un crocodile, huit cent quarante germes d’œufs d’autruche, vingt cœurs de lions, un estomac de phénix, une pinte d’urine de sirène, et qu’il fait bouillir le tout au feu de cannelle pendant trois ans. « Ah ! gémit le grigou, s’il faut du pot-pourri pour guérir ma fille, je suis perdu ! » Arrivent Paincourt et Crotesquas déguisés en Turcs. Après avoir examiné la malade, Crotesquas prononce

  1. Voici la distribution de la pièce :
    M. de Pincemaille. M. de Torpanne.
    Isabelle, sa fille. Mlle de Moras.
    Finemouche, suivante d’Isabelle. La duchesse du Maine.
    Crotesquas, valet du marquis. M. de Malézieu.
    Bruscambille, valet de M. de Pincemaille. M. de Dampierre.
    Le docteur Rhubarbarin. M. de Caramont.
    M. Fatolet. M. de Mayercrom.
    Le marquis de Paincourt. M. Landais.