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avait été touché de cette preuve d’attachement. Il m’apportait de l’argent et des lettres de mon régiment singulièrement réduit par suite des pertes qu’il avait subies au combat de Barossa et que j’ai indiquées plus haut.

Badajoz avait capitulé le 11 mars. Aussitôt, le maréchal Soult, inquiet de ce qui avait pu survenir devant Cadix, où le maréchal Victor n’avait pu recevoir le secours du général Sébastiani, laissa à Badajoz le maréchal Mortier, avec environ 9,000 hommes et l’ordre de remettre la place en complet état de défense, et, dès le 13 mars, il se mettait en route pour Séville, avec 7,000 hommes. C’était à peu près tout ce qui lui restait, et il sentait la nécessité de soutenir le maréchal Victor. On voit que l’armée d’Andalousie était déjà réduite au tiers de son effectif primitif. Les Anglais allaient attaquer le maréchal Mortier, à Badajoz, pour l’y occuper. Le général Sébastiani était retenu entre Grenade et Murcie. Revenu au camp devant Cadix, le maréchal Soult était dévoré d’inquiétudes. Il s’adressait à tout le monde, à ses collègues, au roi Joseph, à l’empereur, pour obtenir des renforts que, déjà, le projet de la campagne de Russie ne permettait plus de lui envoyer.

Vers la fin de juin, je reçus une lettre du général Sémélé, chef de l’état-major général du 1er corps, qui me disait que l’on s’occupait de mon échange au quartier-général. Je communiquai cette lettre au général Graham, qui m’autorisa à continuer d’habiter l’île de Léon, quoique les autres officiers français pris avec moi fussent tous embarqués pour l’Angleterre.

Il n’avait pas dépendu du général anglais que mon échange ne fût effectué dès le lendemain du combat. Il en avait fait la proposition au maréchal Victor, qui pouvait y consentir facilement, puisque, la veille du combat de Barossa, l’état-major du régiment d’Ordenez, des gardes espagnoles, avait été pris au pont du Santi-Petri et le général Graham proposait de m’échanger contre un lieutenant qui, d’après nos cartels d’échange, avait rang de lieutenant-colonel.

Le maréchal apporta, dans cette question d’échange, son indifférence habituelle. Je le connaissais bien et, par suite, je doutais beaucoup du succès de cette affaire.

Peu après, j’eus le malheur de perdre mon protecteur, le général Graham. Il fut appelé en Portugal pour prendre le commandement en second de l’armée anglaise, qui était sous les ordres de sir Arthur Wellesley. Il commandait encore une aile de cette armée à Vittoria.

Le 25 août, je demandai au général Cook, qui avait remplacé le général Graham, la permission d’être transféré à Cadix, ce qui me