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« Si l’Italie était attaquée, l’Angleterre la défendrait sur mer. Tout changement au statu quo dans la Méditerranée est considéré comme contraire aux intérêts communs, et impliquant par conséquent l’action commune de l’Italie et de l’Angleterre. Celle-ci s’oblige aussi à défendre l’Italie même au cas où elle serait impliquée dans une guerre dérivant de ses engagemens dans la triple alliance. Cette disposition est surtout importante en ce que, par elle, l’Angleterre entre indirectement dans la triple alliance, qui devient ainsi quadruple. Notez toutefois que l’on ne croit point qu’il existe un accord spécial de l’Angleterre avec l’Allemagne et l’Autriche. Elle ne participerait à la triple alliance qu’indirectement par le moyen de l’Italie. Il est impossible de ne point reconnaître l’immense importance de tels accords. L’Italie a une très grande étendue de côtes, qui constituent son point le plus faible. Le concours de la très puissante flotte anglaise lui assure une défense efficace, tout en empêchant la possibilité de changemens nuisibles dans la Méditerranée. »

Ce mode de divulgation des projets du ministère était plus habile dans le fond que dans la forme. Les précautions de style du Corriere della Sera, calquées sur celles dont les articles de l’Opinione, la brochure de M. Torraca, et les déclarations de M. di Rudini avaient déjà fourni plus d’un modèle, n’avaient pas grande chance de donner le change sur le véritable état des choses. Cette politique ministérielle en partie double, s’efforçant de tenir en balance le compte des amitiés et le compte des alliances, ne faisait guère plus d’illusion à personne. De même l’artifice de style du journal milanais pouvait difficilement concilier ces deux points qui s’excluent : d’une part, l’Italie ne garantissant aucune partie du territoire allemand et paraissant, par conséquent, se désintéresser des conséquences pouvant sortir des prétendons de la France à la reprise de l’Alsace-Lorraine ; d’autre part, l’obligation pour l’Italie de secourir l’Allemagne, si cette puissance vient à être attaquée. Or, sans tenir compte de cette observation si juste de M. Bonghi, que rien n’est plus facile que de paraître attaqué tandis que l’on attaque, je me bornerai à poser cette question : en supposant, ce que j’exclus, la possibilité d’une initiative de guerre prise par la France, pourquoi aurait-elle jamais occasion d’attaquer l’Allemagne ? Évidemment pour la délivrance de l’Alsace-Lorraine, comme le Piémont dut le faire en 1859 et en 1866, pour la libération successive de la Lombardie et de la Vénétie. De quelle valeur, en ce cas, est l’absence de garantie italienne quant à la possession de l’Alsace-Lorraine par l’Allemagne ? Et notons, comme circonstance aggravante, que le théâtre du conflit franco-allemand, auquel l’Italie devrait, en ce cas, prendre part de toute nécessité, ne pourrait