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avait à régler, et de faire que, désormais, elle s’imposât en Europe aux préoccupations des cabinets comme aux entraînemens de l’opinion.

C’est seulement après la signature du traité de Paris et un court voyage qu’il fit à Londres avant de rentrer à Turin, qu’il commença à deviner le véritable sentiment du cabinet de Saint-James à l’égard des affaires d’Italie. Ce sentiment, voici comment, peu après son retour en Piémont, il l’exprimait :


« Turin, 24 mai 1856.

« Je m’explique fort bien le changement qui s’est opéré dans lord Clarendon. A Paris, il craignait le mauvais effet que le traité de paix aurait pu produire en Angleterre. Il voulait gagner un peu de popularité par la question italienne. Maintenant que la paix a été acceptée, il voudrait ensevelir la question pour longtemps.

… Ce qu’il y a de mieux à faire pour le moment, c’est de laisser tranquille le ministère anglais, se tenant dans la plus grande réserve, de manière toutefois à lui laisser deviner que nous ne sommes pas transportés de reconnaissance de ce qu’il a fait depuis la conclusion de la paix. »

Cette lettre est suivie d’une centaine d’autres dans lesquelles on voit le désappointement de Cavour s’accroître sans cesse jusqu’à l’indignation et à la colère.

Je ne pourrais les citer toutes sans sortir du cadre que je me suis tracé. Le lecteur, curieux d’études politiques rétrospectives, en trouvera la collection complète dans le livre de M. Nicomede Bianchi que j’ai déjà cité.

Dans le nombre, je n’en détacherai qu’une ou deux par an, et ce afin d’indiquer comme quoi, malgré la marche du temps et les changemens des ministères anglais, la politique anglaise en Italie confirmait invariablement cette première appréciation de M. de Cavour.

En voici une datée de la même année 1856 (15 octobre), qui prouve que l’opposition tory ne donnait pas moins lieu de mécontentement au cabinet de Turin que le ministère whig.

« Ce qui m’a le plus frappé, c’est le discours de Disraeli. Après les protestations des tories, j’étais loin de m’attendre à cette violente philippique contre l’Italie et contre nous. On dirait que ses paroles ont été dictées par l’Autriche… »

Voici maintenant pour l’année 1857 :


« Turin, 28 mars.

« Je suis très reconnaissant à lord Clarendon de sa franchise. En politique, rien n’est plus dangereux que les illusions ; je lui sais