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Voici le premier :

L’Autriche, inquiète des bruits d’alliance italo-prussienne, faisait avancer des forces considérables sur la frontière italienne. L’Italie s’en alarme et demande à la Prusse de la secourir en cas d’attaque. La Prusse répond simplement que le traité ne la lie pas à cet égard ; que c’est seulement l’Italie qui est liée et doit secourir la Prusse en cas d’attaque de l’Autriche. — Réponse à rapprocher de celle que la France, en 1859, fit au Piémont dans une conjoncture absolument identique : « Si pourtant nous étions attaqués, j’ai demandé à l’empereur si nous pouvions compter sur un prompt secours. Il a répondu : « Oui, et j’ai déjà envoyé un officier à Turin… J’ai 36,000 hommes à Lyon…[1]. »

Le second trait se rapporte à la conclusion de la paix. Le roi de Prusse signa la paix sans consulter son allié le roi d’Italie, sans même lui accorder « quelques heures » de répit qu’il sollicitait dans l’espoir de voir sa situation militaire améliorée, de manière à pouvoir signer l’armistice dans des conditions plus favorables pour l’Italie. Le roi de Prusse répondit que « l’intérêt de la Prusse » s’opposait à tout retard[2], et il passa outre, livrant son allié à cette cruelle alternative : ou accepter la paix quand même, ou rester exposé à être écrasé par toutes les forces autrichiennes, devenues libres à la suite des préliminaires de paix signés au camp prussien.

Ces faits renfermaient, certes, un grave enseignement ; mais le long travail d’opinion dont les Italiens avaient été l’objet portait ses fruits. Rien n’avait plus prise sur leur esprit prévenu ; ils ne voyaient de torts que du côté de la France ; s’ils avaient été battus à Custozza et à Lissa, c’était parce que la France leur avait enjoint de « ménager l’Autriche[3] ; » ils faisaient chorus avec M. de Bismarck, accusant de déloyauté, en plein Reichstag[4], le général La Marmora ; or celui-ci avait été loyal jusqu’à rester fidèle à l’alliance prussienne, malgré l’offre obtenue par l’intermédiaire de la France, de la cession de la Vénétie « sans conditions[5], » sans les sacrifices et les risques de la guerre, par conséquent !

Désormais, c’était l’influence prussienne, qui, sans destituer l’influence anglaise, d’ailleurs trop enracinée, dominait l’Italie par

  1. Lettre de Massimo d’Azeglio à Cavour en date de Paris, 17 avril 1850.
  2. Dépêche de M. de Barral, datée du camp prussien, 26 juillet 1866, à M. Visconti-Venosta, ministre des affaires étrangères.
  3. Je connais des patriotes italiens, hommes d’une loyauté à toute épreuve, amis sincères de la France, qui, aujourd’hui encore, croient comme un article de foi que Napoléon III, d’accord avec La Marmora, a exigé que les Italiens se laissassent battre à Custozza, pour se réserver, lui, le mérite d’imposer la paix par sa médiation et pouvoir ainsi les forcera recevoir de ses mains le don « humiliant » de la Vénétie.
  4. Séance du Reichstag du 16 janvier 1874.
  5. Dépêche de M. Nigra à La Marmora, datée du 6 mai 1866.