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VII

Et maintenant qu’on ressaisisse ces faits dans leur enchaînement ; qu’on rassemble les traits saillans de cette histoire qui commence dès 1815 pour ne plus s’interrompre, où tout se mêle, et les agitations parlementaires et les influences de cour et les émotions d’un pays remué par les révolutions. A peine rentrés de l’exil ou sortis de leurs retraites rurales, les royalistes enivrés de cette prodigieuse résurrection d’une monarchie qui semblait à jamais perdue, pleins de naïfs fanatismes et d’illusions, croient déjà voir renaître la France d’autrefois et retrouver leurs privilèges, leurs titres, le pouvoir, comme si rien ne s’était passé en France depuis un quart de siècle. Ils échouent par l’excès même de leurs prétentions surannées, par la sagesse du roi. Ils sont vaincus, dispersés par un appel au pays qui ressemble à un coup d’État, qui affermit dans les conseils du prince une politique de modération destinée à réconcilier la France nouvelle avec la vieille dynastie, — et en voilà pour cinq ans ! —Cinq années durant ils ne sont plus qu’une opposition décimée et impuissante. Ce n’est que par degrés qu’ils se relèvent, en luttant pied à pied, en retrouvant par la tactique et par l’expérience ce qu’ils ont perdu par leurs passions. Par eux-mêmes, livrés à leurs propres forces, ils ne pourraient sans doute rien encore de longtemps, au moins jusqu’à la mort du roi Louis XVIII, qui les tient en suspicion. Les circonstances les favorisent et conspirent pour eux. Comme toutes les oppositions, ils profitent d’année en année des fautes ou des mécomptes de leurs adversaires. Les libéraux ne tardent pas à leur donner des armes en compromettant leur propre cause par des apparitions de l’esprit de sédition. L’élection de Grégoire tue la loi de 1817 faite dans l’intérêt du libéralisme bourgeois et contre les « ultras, » en alarmant la prévoyance des ministres de la réconciliation. L’assassinat du duc de Berry perd à jamais M. Decazes, rapproche le roi de son frère, le comte d’Artois, porte un irréparable coup à la politique modérée et réveille le sentiment dynastique. Le danger révolutionnaire éclipse le danger « ultra. » Les royalistes ne sont plus désormais impossibles au pouvoir, où ils vont renouer la tradition de 1815 en s’assouplissant à des circonstances nouvelles. La logique des choses préside à cette évolution. M. de Villèle, par son habileté, son tact et son esprit de conduite, n’a pas peu contribué pour sa part à préparer cette revanche, ce retour de fortune pour les royalistes.

Tout se tient dans les mouvemens de la politique ; mais il y a