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rien faire : c’est ainsi que la vérité devient une force, et l’histoire un enseignement profitable[1]. »

Le 29 août, le maréchal écrivait, de Bunzlau, au major-général : « L’ennemi n’a poursuivi que faiblement, mais sa cavalerie légère, l’épouvantail des fuyards, s’est montrée partout avec du canon. Nos troupes sont dans un état pitoyable, percées de la pluie pendant quatre-vingts heures consécutives, marchant dans la boue jusqu’à mi-jambe, et traversant des torrens débordés. Dans cet état, les généraux ne peuvent empêcher que le soldat ne cherche un abri, son fusil lui étant inutile.» Puis le même jour, quelques heures plus tard : « J’ai la douleur de vous informer que les pluies ont occasionné une succession de désastres qui me navrent le cœur. La division Puthod n’est plus ; ses restes ont été culbutés ce soir dans les inondations de Löwenberg, sans qu’il ait été possible d’établir un passage pour les hommes. Je tâcherai de tenir demain la ligne du Bober, mais je ne puis me réunir que derrière la Queiss. Sa Majesté connaît les circonstances ; je n’ai pu prévoir ni maîtriser les élémens ; ils sont cause de tous nos malheurs, car l’échec essuyé par la cavalerie était peu considérable en proportion de la force de l’armée et eût été très réparable sans un déluge continuel de trois jours et autant de nuits. Il ne m’a pas été possible de connaître encore l’état de nos pertes et le nombre de combattans qui me reste. »

En somme, les pertes étaient peu considérables ; les fuyards, les traînards, les isolés rejoignaient tous les jours en grand nombre. Quand l’empereur arriva, le 4 septembre, à Bautzen, avec sa garde et ses réserves, il fut tout surpris de trouver des troupes reposées, réorganisées, ne demandant qu’à être menées à l’ennemi. Il donna publiquement à Macdonald les plus grandes marques d’estime et voulut qu’il gardât le commandement général des quatre corps; puis il les mena, selon leurs vœux, à l’ennemi, qui n’accepta pas le combat. Après des alternatives de marches et de contremarches pendant le mois de septembre, Macdonald reçut l’ordre de se rapprocher de Dresde.

Un matin, il vit entrer chez lui un officier d’ordonnance chargé par l’empereur de lui demander son avis sur ce que, les circonstances étant données, il serait à propos de faire. Macdonald montra le soldat mourant de faim, l’armée sans vivres, presque sans munitions, s’affaiblissant tous les jours ; dans ces conditions défavorables, le plus sage parti était d’évacuer les places de l’Oder et de l’Elbe, en laissant une forte garnison à Leipzig, et de se retirer derrière la Saale. L’officier s’effraya de rapporter à l’empereur un

  1. La Grande Armée de 1813, p. 200 et suiv.