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toujours révocable, du gouvernement. Sans cette autorisation, l’association est un délit, et encourt la dissolution immédiate. Peu importe qu’elle se divise en sections de moins de vingt personnes, et que les réunions de chaque section n’atteignent pas ce nombre : la loi du 10 avril 1834 a prévu le cas et l’a fait rentrer dans la prohibition du code. Cette même loi a aggravé la peine : les chefs, directeurs, ou administrateurs n’étaient punis que d’une amende : ils le sont de la prison, qui peut aller jusqu’à un an; l’amende est aggravée, et l’une et l’autre peine peut être portée au double en cas de récidive. C’est, dans ce dernier cas, la peine de l’abus de confiance ou de la banqueroute. L’autorisation a-t-elle été donnée? il en faut encore une autre, pour adopter un lieu de réunion. Celui qui, sans la permission de l’autorité, prête sa maison pour la réunion d’une association, même autorisée, est puni d’amende. Voilà pour le droit commun. S’il s’agit de congrégations religieuses, le droit devient exceptionnel. Toutes sont obligées de se faire autoriser, quel que soit le nombre des associés : et l’autorisation ne s’accorde pas aisément : il en est même à qui on la refuse d’avance, et par décret. La disposition est si exorbitante, qu’on a pu se demander où elle était écrite : des décrets célèbres, du 29 mars 1880, et les arrêts du tribunal des conflits qui les ont suivis, se sont chargés de dissiper ce doute et de rappeler à l’application des « lois existantes. »

Est-ce tout? Il s’en faut, et de beaucoup. Ce que le code pénal a commencé, le code civil le poursuit. L’autorisation réservée par l’article 291 du code pénal n’est qu’une autorisation de police : elle ne couvre et ne légitime que le fait matériel de la réunion périodique, à certains jours déterminés. Mais pour constituer à l’association une caisse et un patrimoine, pour lui permettre de se perpétuer, de posséder, de contracter et d’agir en justice, pour créer, suivant le terme technique, une personne morale, il faut que le gouvernement intervienne une seconde fois, par une reconnaissance d’utilité publique; et cette reconnaissance est prononcée par décret en conseil d’État. Faute de cette consécration, l’association, même autorisée, est incapable ; et cette incapacité est une règle d’ordre public qu’il n’est permis ni d’enfreindre ni de tourner. Non-seulement elle n’aura pas de droits, et ne pourra ni contracter, ni plaider, mais les actes passés en son nom seront nuls, et les libéralités qui lui seront faites n’iront pas à leur adresse. Mieux encore : il surgira, dans bien des cas, un établissement public, création de l’État, qui réclamera et recueillera, contrairement au vœu du donateur ou du testateur, la libéralité mal faite. On ne pourra pas, comme cela se fait en Angleterre, quand une « incorporation » paraît difficile, constituer des fidéicommissaires, des