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au grand jour, à maintes reprises, pendant plus de dix ans, sans que le parlement parût s’en apercevoir. La France accorda le droit de visite par des traités conclus, le 26 juillet 1834, avec le Danemark; le 8 août 1834, avec la Sardaigne; le 21 mai 1836, avec la Suède et la Norvège; le 9 juin 1837, avec les villes hanséatiques de Lubeck, de Brème et de Hambourg; le 14 février 1838, avec les Deux-Siciles ; le 26 août 1840, avec Haïti. Une tradition nouvelle commençait à détrôner l’ancienne quand la « chaîne des temps, » comme on disait alors, fut heureusement renouée en 1842.

Mais il ne faudrait pas se figurer que la chambre des députés eût, en amendant l’adresse au roi, résolu le problème. En somme, le résultat de cette discussion retentissante était purement négatif. Le gouvernement ne pouvait ni ne voulait commettre aux autres puissances le soin de réprimer la traite, en déclarant ouvertement que seul, dans l’univers, il fermerait les yeux sur cet infâme trafic ; il pouvait presque aussi difficilement feindre de croire que ses flottes suffiraient à réprimer dans une zone immense l’abus ou l’usurpation de nos couleurs. La force des choses l’amena donc à conclure avec le royaume-uni le traité du 29 mai 1845, qui substitua la vérification du pavillon à la visite. Je ne sache pas qu’on puisse opposer un argument plus décisif aux adversaires de l’Acte général. Ce traité dit, en effet (art. 8) : «Attendu que l’expérience a fait voir que la traite des noirs dans les parages où elle est habituellement exercée est souvent accompagnée de faits de piraterie dangereux pour la tranquillité des mers et la sécurité de tous les pavillons ; considérant en même temps que, si le pavillon porté par un navire est prima facie le signe de la nationalité de ce navire, cette présomption ne saurait être considérée comme suffisante pour interdire de procéder à sa vérification, puisque, s’il en était autrement, tous les pavillons pourraient être exposés à des abus en servant à couvrir la piraterie, la traite des noirs ou tout autre commerce illicite ; afin de prévenir toute difficulté dans l’exécution de la présente convention, il est convenu que des instructions fondées sur les principes du droit des gens et sur la pratique constante des nations maritimes seront adressées aux commandans des escadres et des stations françaises et anglaises sur la côte d’Afrique. » D’après les instructions anglaises annexées à la convention, l’officier commandant un croiseur de sa majesté britannique devait sans doute détacher une chaloupe vers le bâtiment suspect pour s’assurer de sa nationalité sans le forcer à s’arrêter; mais si la force du vent ou toute autre circonstance rendait ce mode d’examen impraticable, il pouvait recourir aux moyens coercitifs, aborder le navire aux couleurs françaises et s’assurer de sa nationalité « par l’examen des papiers de bord ou par toute