Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 107.djvu/905

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sort des deux propositions était lié. M. Deloncle, en montrant avec une grande ampleur tout l’avantage que nous avions à l’adoption de l’une, a fait ressortir tout le désavantage que nous causait l’ajournement en bloc. Nos intérêts commerciaux sont donc sacrifiés, c’est évident, mais non par la conférence.

Toutefois le succès que nous avons remporté sur la côte occidentale de l’Afrique ne compenserait pas, au dire des opposans, l’échec que nous aurions subi sur la côte orientale en acceptant ce qu’on a nommé, dans un langage très métaphorique, « le blocus de Madagascar. » Le lecteur sait déjà qu’on a limité la zone « contaminée » par une ligne conventionnelle contournant l’île de Madagascar, par l’est, à 20 milles de la côte orientale et septentrionale. C’est laisser entendre, a-t-on dit dans la séance du 24 juin, qu’il pourrait y avoir un trafic d’esclaves entre Madagascar et la Réunion, conjecture insultante ! et que nous appelons à notre aide, humiliant aveu d’impuissance! une police internationale pour surveiller et protéger contre ce trafic la grande île placée depuis cinq ans sous notre protectorat. C’en est donc fait de notre prestige ! « Nos indigènes des Comores et de Madagascar, a dit M. Deloncle, ne sont pas très versés en droit international ; leur esprit simpliste retrouvera, dans la vérification exercée par les marins de la reine avec le sans-gêne traditionnel de la race anglaise, la plupart des procédés du droit de visite qui vient de leur être appliqué pendant le blocus de la côte de Zanzibar, et ils en concluront que la France, qui jadis garantissait la liberté des mers contre l’inquisition et l’arbitraire britanniques, a cette fois abandonné sans retour son rôle séculaire et consacré définitivement la domination de l’Angleterre sur l’Océan-Indien. » Cette objection comporte plusieurs réponses. D’abord, toute cette côte orientale d’Afrique, qui se partage entre les Italiens, les Anglais et les Allemands, est, comme Madagascar, dans la zone contaminée, et toutes les puissances exerceront isolément ou collectivement sur les possessions des uns et des autres, à proximité de leurs eaux territoriales, les mêmes droits de surveillance et de contrôle : aucun de ces peuples ne croit faire un aveu d’impuissance et ne regarde son prestige comme amoindri. Puis, si les Anglais employaient aux environs de Madagascar des procédés vexatoires, nous pourrions, selon les prévisions mêmes de l’Acte général, provoquer la révision de l’article 23 en demandant que la surveillance réciproque fût limitée aux navires jaugeant moins de 400 ou de 300 tonneaux, et cette perspective peut conjurer le péril. Peut-être, d’ailleurs, si les habitans des Comores, étant doués d’une simplicité particulière, se méprennent sur la portée de l’Acte général et se figurent que nous