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C’est ce qui arriva l’après-midi. En effet, le recteur, à la tête de huit cents étudians, en colonne par neuf, vint réclamer ses prisonniers chez le prévôt, Robert d’Estouteville, qui habitait rue de Jouy. Le prévôt consentit à rendre les écoliers. Malheureusement, Robert d’Estouteville ayant mandé, par son barbier, le lieutenant-criminel et les sergens, il y eut des insultes entre écoliers et gens du guet. Une terrible bagarre suivit. Les écoliers attaquèrent à coups de pierre, et les sergens se défendirent avec leurs masses et des arcs. Un jeune étudiant en droit fut tué sur place. L’archer Clouet avait visé déjà le recteur : on détourna la flèche. Un pauvre prêtre fut jeté dans le ruisseau ; plus de quatre-vingts personnes lui passèrent sur le corps ; il perdit son chaperon et son bonnet ; rencontrant un sergent vêtu d’une cotte violette, il fit voir qu’il était prêtre, — mais le sergent lui envoya un coup de dague. Il courut chez un bourrelier, en fut chassé, et s’enfuit devant des gens armés de pelles et de bûches. Deux fillettes lui offrirent asile ; mais il n’osa, par honnêteté. Enfin il se traîna chez un barbier, et là trouva nombre d’étudians blottis dans les huches et sous les lits ; lui-même se réfugia sous l’étal, et cria pour avoir à boire.

Telle fut cette querelle, jugée au Parlement à la requête de l’Université, qui obtint gain de cause, comme d’ordinaire, le 12 septembre 1453. L’origine de la guerre avait été la pierre du Pet-au-Diable, enlevée devant l’hôtel de Mlle de Rruyères. L’aventure inspira Yillon, et, en 1461, il léguait à Me Guillaume de Villon le manuscrit de son premier poème :


Je luy donne ma librairie
Et le Rommant du Pet-au-Diable
Lequel maistre Guy Tabarie,
Grossa qui est homs véritable.
Par cayers est soubz une table.
Combien qu’il soit rudement fait,
La matière est si très notable
Qu’elle amende tout le meffait.


Ce roman du Pet-au-Diable, qui ne nous est pas parvenu, devait être une œuvre héroï-comique où Villon racontait la vie joyeuse des écoliers et leur déconvenue. Elle contenait probablement des ballades intercalaires, comme le Roman de la Rose, de Guillaume de Dol, le Roman de la Violette, de Gérard de Nevers, ou le roman de Meliador, de Froissart. Parmi celles-là on peut désigner en toute sûreté la Ballade des femmes de Paris. D’ailleurs, le jeu