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car le niveau d’eau, dans l’harik, se trouve au-dessus du sol, et les habitans vivent dans la crainte constante de la rupture des digues, qui inonderait les champs. Quelques bouquets d’arbres, dans les jardins, et, dans les endroits les plus bas, de grandes mares d’eau, tel est l’aspect des environs de Tchimbaï. On y compte cinq cents demeures ou tentes, car beaucoup d’habitans n’ont point abandonné leurs tentes pour les demeures en pisé, et souvent, au milieu d’une cour aux murs de terre, s’élève la tente où vit la famille. Pendant la belle saison, on quitte la ville et on va dans les environs faire paître le troupeau, transportant la tente à dos de cheval ou de chameau. Aussi la population de Tchimbaï est-elle plus nombreuse l’hiver que l’été.

Tchimbaï aurait été fondé, il y a deux cents ans environ, par deux frères, Ahmed et Djamad, de race uzbeg, qui auraient creusé le Kéguéili. Ils étaient les souverains de la steppe et des tentes y résidant. À leur mort, un de leurs enfans, Kouraz-Beg, leur succéda. Mais le khan de Khiva conquit le pays, et Kouraz-Beg s’enfuit en Perse. Depuis lors, Tchimbaï suivit les destinées du khanat.

On compte, à Tchimbaï, 2,500 habitans, huit mosquées, deux médressés, trois mekteb hanè (écoles primaires), quatre cents boutiques. On y trouve tout ce qui se vend dans les grandes villes des oasis khiviennes, et elle entretient avec ces villes un commerce actif. De nombreuses barques, chargées de sorgho, de poterie, descendent chaque année jusqu’à Tchimbaï. Cette ville est le centre du commerce de bois du delta, car les forêts sont abondantes dans les environs. La population de Tchimbaï se compose de Karakal- paks, d’Uzbegs et de quelques Kirghizes. Il y a deux jours de marché par semaine.

Outre Tchimbaï, il y a encore des bazars dans quelques bourgades des environs : Dao-Kara, Nokouze, Ak-Kala (près de la mer d’Aral, à l’embouchure du bras du fleuve de Kouk), Kara-Taï.

À 7 verstes au-dessous de Tchimbaï[1], le Kéguéili donne naissance à un harik, le Nao-Pire, qui reçoit la plus grande partie de ses eaux.

Les principales cultures du rayon de Tchimbaï sont le blé, le seigle, le sorgho, melons et tabac, chanvre, sésame et quelques plantes oléagineuses. Enfin on trouve aussi un peu de coton et quelques mûriers. Le fin n’est utilisé que pour la graine, l’indigène ne sachant pas préparer la fibre. L’industrie de la soie est entre les mains des Uzbegs. Elle est aujourd’hui en pleine décadence,

  1. Au pont de Tchimbaï, le Kéguéili a, en largeur, 5 sagh ; en profondeur, 4 pieds ; la vitesse, par seconde, est de 2 pieds.