Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 113.djvu/121

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quand on a fait une longue course à cheval, on n’y regarde pas de si près pour dormir. Au matin, on continue la route.

Deux heures de trot à travers la steppe, et voici Kouk.

Kouk est un petit village situé sur la rive gauche du principal courant d’eau portant à la mer d’Aral les eaux de l’Amou-Daria. C’est par ce chemin que le navire russe, stationnaire du fleuve, parvint, en 1890, à gagner la mer d’Aral et atteignit Kazalinsk. Kouk est aujourd’hui, avec Ak-Kala (autre hameau, situé près de la mer d’Aral et sur le même bras du fleuve), le centre des pêcheries d’esturgeons pour la préparation du caviar.

Cette industrie commença vers 1880. Quelques familles de Cosaques furent exilées dans le Delta du fleuve à Nokouze et se livrèrent à la pêche comme ils la pratiquaient sur le Volga.

On pêche de juin à septembre. Les pêcheurs tendent dans la rivière de grands trémails[1] analogues à ceux dont on se sert en France. On laisse le filet, attaché solidement à un pieu par une extrémité, flotter dans le courant pendant une douzaine d’heures. Le levage se fait en recueillant le filet dans une barque. Les poissons sont mis dans un réservoir d’eau formé d’un flexible treillis de branches fiché dans le fleuve, et un homme, en plongeant, prend les poissons à bras-le-corps pour les apporter à l’usine le jour de la préparation.

Le caviar de Kouk s’exporte à Tchardjoui et à Orenbourg. Mais la mauvaise qualité du sel[2] servant à le préparer, la chaude température du pays, le font peu rechercher à Orenbourg, où il a un prix inférieur à celui du Volga. Récemment, quelques pêcheurs se sont installés à Pétro-Alexandrof. L’esturgeon arrivant à cette hauteur à une époque plus tardive, permettrait de faire le caviar à l’automne, dans une saison moins chaude et, par suite, plus favorable aux manipulations. En outre, l’esturgeon péché plus haut dans le fleuve donne un rendement en caviar triple de ce qu’il est à Kouk[3]. Quant aux autres espèces de poissons, on ne peut songer à les préparer pour l’exportation.

Le village de Kouk contient 1,000 âmes environ pendant la belle saison et est entièrement abandonné l’hiver. Les quelques familles

  1. On nomme trémail un grand filet long de 20 à 60 mètres, haut de 1m, 50 environ et formé de trois filets accolés. Le poisson se prend dans les mailles et ne peut se dégager.
  2. Le sel servant à Kouk vient de Pitniak, de Choura-Khan ou de Koungrad. Celui de Choura-Khan est préférable.
  3. Société de pisciculture russe, 1889.