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et Mamet et de remettre le pouvoir aux mains de Mohamed-Fan, descendant de Tioura-Soufi, qui vivait à Koungrad dans la pauvreté.

Mais si tous étaient d’accord pour restaurer le descendant de leurs anciens begs, il n’en était point de même quant aux moyens à employer pour obtenir ce résultat. Un des principaux conjurés, Azberguen, beg kirghize, ne voulait point qu’on s’entendit avec le chef des Turkmènes, Ata-Mourad-Khan ’dont, disait-il, on ne pourrait se débarrasser.

Mohamed-Fan, au contraire, craignant que les Kirghizes, unis aux, habitans de Koungrad, ne pussent résister aux forces khiviennes, voulait avoir pour auxiliaires les chefs des diverses races et soulever tout le pays contre le khan khivien. Mohamed-Fan sembla d’abord se ranger à l’avis du chef kirghize, puis profita d’un voyage que dut faire Azberguen pour s’allier en secret avec Ata-Mourad-Khan.

On décida d’agir sans retard en tuant les deux représentans de l’autorité khivienne. Une tentative dirigée contre Mamet échoua, et ce dernier ne tarda pas à quitter la ville. Quant à Kovretle-Mourad, il habitait un jardin dans les environs de Koungrad et s’occupait alors de faire réparer les remparts. Quand les travaux entrepris furent terminés, Jolbars, de race uzbeg, qui dirigeait les ouvriers et était l’un des conjurés, demanda à Kowetle-Mourad de les venir inspecter. Ce dernier quitta donc sa résidence et se dirigea vers la ville. C’est là que l’attendaient les principaux conjurés parmi lesquels était Mohamed-Fan lui-même.

L’un des conjurés, Koulmann-Bii, s’approcha de Kowetle-Mourad, alors qu’il allait pénétrer à cheval sous la porte, lui présentant une supplique :

— Qu’est-ce ? dit Kowetle-Mourad.

— On va bientôt recueillir les impôts, dit Koulman-Bii, mais la récolte a été mauvaise et il y a beaucoup de pauvres qui ne peuvent payer.

— Que m’importe ! reprit Kowetle-Mourad, vendez vos enfans.

— Quoi ! vendre nos enfans, dit Koulmann-Bii, et, s’approchant de lui comme s’il voulait le supplier, il lui saisit son sabre de ses deux mains.

Jolbars le jeta à bas de son cheval et Mohamed-Fan le tua de ses propres mains, vengeant ainsi le meurtre de son grand-père.

Les conjurés se répandirent aussitôt dans la ville, disant que l’on avait tué le collecteur d’impôts, et Mohamed-Fan fut nommé beg de Koungrad. Ce dernier appela aussitôt les Turkmènes, ce qui froissa Azberguen, qui se reth-a avec les Kh-ghizes, à 30 verstes de la ville, sur le Taldik, où ils construisirent une forteresse.