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pour rétablir son autorité et fit descendre dans une barque quelques soldats persans pour ramener à Khiva la famille de Mohamed-Fan et les Turkmènes. Le khan se fit livrer trois des principaux complices de Koulmann dans le meurtre de Mohamed-Fan et qui avaient été aussi impliqués dans le complot contre Kowetle-Mourad. Quant aux Turkmènes, la plupart entrèrent au service du khan de Khiva. Quelques autres continuèrent à piller les environs de Koungrad, enlevant des barques, interrompant les communications entre Khiva et Koungrad.

À partir de cette époque, Koungrad suivit les destinées de Khiva.

Koungrad ne possède aucun monument qui vaille la peine d’arrêter les regards ; mais aucune ville du Kharezm ne saurait lui être comparée comme importance commerciale. Reliée directement à Orenbourg par une route de caravanes[1], elle est le grand centre de communication entre le khanat et la Russie. On y importe des produits manufacturés, surtout des cotonnades. On en exporte du coton, des peaux brutes, des chevaux. De nombreuses barques descendant le fleuve y apportent, des oasis khiviennes, du sorgho, et des poteries pour la consommation locale. Beaucoup de commerçans du Kharezm y viennent chaque année pour leurs affaires. De nombreuses tentes de Kirghizes et de Karakalpaks s’y installent pendant quelques mois d’hiver. Ajoutez-y tous les chameliers qui viennent avec leurs caravanes, et l’on se rendra compte facilement de l’énorme population flottante de cette ville. Les vols, les pillages, etc., y sont fréquens et quelques troupes pour maintenir la tranquillité sont nécessaires.

C’est avec un certain plaisir que, après avoir visité tant de cités calmes et paisibles, on trouve un centre commerçant, un milieu animé, une ville enfin. Il y a à Koungrad deux jours de marché par semaine, et le bazar est beaucoup plus important que celui de Tchimbaï. Un véritable quai existe le long de l’harik, auprès de la ville. C’est là que les barques amènent les produits du khanat. Le climat de Koungrad est assez humide. Les pluies y seraient assez fréquentes. Lors de mon passage, il y faisait une chaleur humide, un ciel nuageux, et l’on m’affirma qu’il en était souvent ainsi. La culture la plus importante des environs de Koungrad est celle du riz. Le coton y vient bien, mais les gelées du matin se font sentir dès la fin d’août. La terre, humus apporté par le fleuve, est d’une excellente qualité ; l’eau est en abondance. Cependant la culture est

  1. Il faut vingt et un à vingt-huit jours pour atteindre Orenbourg. Pendant quatre mois d’hiver, les caravanes ne circulent point. On ne trouve que de l’eau saumâtre sur la plus grande partie de la route. Goût du transport : 3.70 à 4 roubles par poud.