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et avant de se lancer dans une expérience aussi dispendieuse, le gouvernement avait voulu réfléchir. Il prit si bien son temps qu’on n’entendit plus parler de l’affaire. Mais, en 1880, un autre général — Le général Daniel Ruggles, — sans doute au courant des idées de M. Powers, entreprit l’étude de la question et dressa, à son tour, ses batteries. Elles différaient sensiblement de celles de l’ingénieur Powers : les canons étaient, en effet, remplacés par des explosions de poudre ou d’autres substances. Cet homme pratique prit même un brevet pour ce qu’il croyait être son invention ; un procédé consistant à envoyer dans les nuages de petits ballons auxquels étaient attachés des récipiens pleins de poudre dont il provoquait l’explosion, par l’électricité, à volonté. La commotion devait amener la condensation des vapeurs des nuages en pluie.

À la vérité, quatre ans avant le moment où le général Ruggles prit son brevet, un colon de la Nouvelle-Zélande, M. F. Hatermann, avait eu exactement la même idée, et l’avait publiée dans les journaux, demandant aux agriculteurs des régions sèches de s’entendre pour faire une expérience et en défrayer les dépenses. Le brevet, toutefois, ne fut point exploité et, de 1880 à 1890, on ne s’occupa guère de l’affaire : ou, du moins, ceux qui s’en occupaient n’en parlèrent point. Ils en parlèrent pourtant, en 1890, à différens membres du gouvernement, qui portèrent la question devant le congrès, lequel vota 10,000 francs, — portés plus tard à la somme de 45,000 francs, — pour frais de recherches et d’expériences.

Le général Dyrenforth « en était, » et c’est alors qu’il tint au gouvernement son discours auquel, — l’historique achevé, — il ajouta quelques données complémentaires. C’est ainsi qu’il déconseilla l’usage exclusif de la poudre et de la dynamite, et déclara préférable d’opérer en faisant sauter les ballons eux-mêmes, qui seraient remplis d’hydrogène pour les deux tiers et d’oxygène pour le dernier tiers, ce mélange constituant un des meilleurs explosifs que l’on connaisse. Les frais de l’expérience semblaient devoir être faibles, et du moment où les sommes étaient votées, il convenait de les utiliser. Et c’est pourquoi, après quelques mois de préparatifs, en août 1891, le général Dyrenforth partit pour le Texas, accompagné d’une petite troupe d’élus, et de tout le matériel jugé nécessaire. Tel, autrefois. Moïse dans le désert de Sin : au surplus, pour compléter l’analogie, les eaux amères elles-mêmes ne firent point défaut, et le Llano Estacado ne fournissait que des eaux d’une alcalinité insupportable. Le Llano Estacado est une vaste plaine, située dans le Texas, où la sécheresse est chose habituelle et où, depuis plusieurs années, une pluie sérieuse était passée, disait-on, à l’état de mythe. Là se trouvait un vaste