Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 113.djvu/166

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur nombre énorme de bouches à feu et le fracas des pièces de gros calibre, a fait surgir en mainte cervelle l’idée que la décharge des canons et des explosions variées pourrait, en temps de paix, être tout aussi efficace. Il serait toutefois très malaisé de dire quel fut celui qui, le premier, a explicitement formulé l’idée, et sans doute plusieurs de ceux qui observèrent une relation entre les canonnades et la pluie formulèrent le projet d’expériences plus ou moins timidement. Il semble néanmoins que celui qui se fit le premier, avec le plus de persévérance, le champion de cette idée, ait été M. Charles Le Maout, un pharmacien de Saint-Brieuc, frère du botaniste bien connu, et qui, à partir de 1824, s’appliqua à l’observation des phénomènes météorologiques consécutifs aux batailles, et consacra aux résultats de ses observations des publications dont la première date de 1854 et la dernière de 1886, et dont j’ai sous les yeux une partie importante[1].

Il ne faut pas se le dissimuler, les idées de Charles Le Maout sortent du commun. Voici les nuages : remarquez qu’ils s’arrêtent dans leur course, le soir, entre cinq et sept heures, pour la reprendre le lendemain matin, entre cinq et sept, et se reposer ensuite entre onze heures du matin et une heure de l’après-midi. Pourquoi ces alternances de mouvemens et de repos, à quoi correspondent-elles ? Pour M. Le Maout, pas de doute : elles correspondent aux alternances de travail et de repos des hommes, quand toutefois il n’y a pas de causes de perturbation dans l’atmosphère. Le baromètre, comme les nuages, a ses périodes de repos et de mouvement : il monte du matin à midi ou onze heures, s’arrête et reprend sa marche ascendante d’une heure jusqu’à six ou sept heures, après quoi il baisse ; il monte durant l’activité des hommes et baisse durant leur repos[2]. Le vent se lève le matin, se calme au milieu de la journée et reprend jusqu’au soir, où il cesse ; mais il s’élève souvent avec force au moment des sonneries des cloches. L’homme est donc, pour M. Le Maout, la cause de la plupart des

  1. Voir, en particulier, Exposé de la doctrine des condensations (1856) ; Effets du canon et du son des cloches sur l’atmosphère (1861) ; Encore le canon et la pluie (1870) ; le Canon et la Pluie (1870} ; lettre à M. Tremblay (1870) ; lettre au Petit Journal (1887) ; Cuirassés, Torpilleurs et Tempêtes (1886), brochures réimprimées récemment à Saint-Brieuc et à Cherbourg-, par M. Emile Le Maout, fils du météorologiste breton.
  2. En vérité, les oscillations diurnes du baromètre dont parle M. Le Maout ne semblent pas être celles qu’admettent généralement les météorologistes. Pour ces derniers, le baromètre, dans nos contrées, baisse de midi à trois, quatre ou cinq heures, remonte jusqu’à dix ou onze heures du soir, puis baisse de nouveau jusqu’à quatre heures du matin pour remonter jusqu’à dix heures. Le minimum serait vers quatre heures du matin et de l’après-midi, le maximum vers onze heures du soir et du matin.