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point de départ de l’épidémie qui a ravagé la France et l’Algérie, l’Italie et l’Espagne. Elle fut particulièrement meurtrière dans ce dernier pays. Du 5 février au 31 décembre 1886, on y compta 338,685 cas et 119,620 décès, ce qui donne 7 pour 1,000 de la population de l’Espagne tout entière et 18 pour 1,000, lorsqu’on ne tient compte que des provinces où la maladie a sévi.

L’Angleterre, comme on devait s’y attendre, nia l’importation et ne changea rien à sa façon d’agir en Égypte. Ses navires continuèrent à traverser le canal de Suez, en pleine liberté, avec le choléra à leur bord et à semer leurs cadavres dans la Méditerranée. Cependant, les nations du midi de l’Europe s’émurent en voyant se perpétuer ainsi le libre échange des maladies pestilentielles. Elles songèrent à convoquer une nouvelle conférence internationale ; le roi d’Italie en prit l’initiative et parvint à la faire aboutir ; vingt-sept États s’y firent représenter par cinquante-six délégués, diplomates ou médecins. La France y figurait dans la personne de son ambassadeur M. Decrais et de trois médecins délégués, MM. Brouardel, Proust et J. Rochard.

La conférence se réunit le 20 mai 1885 à la consulta, sous la présidence du ministre des affaires étrangères d’Italie, M. Mancini. À la seconde séance, l’assemblée, sur la proposition de M. Decrais, décida de confier l’étude des questions techniques à une commission composée des médecins et des hygiénistes délégués par leurs gouvernemens. Cette commission s’assembla tous les jours, du 23 mai au 7 juin, et discuta toutes les questions du vaste programme qui lui avait été soumis.

Pendant ces longues séances, on vit se reproduire le double courant d’opinion qui s’était déjà manifesté à la conférence de Vienne. Les représentans des nations du Midi réclamaient des mesures de préservation efficaces et s’élevaient avec énergie contre toute proposition tendant à diminuer la rigueur des quarantaines ; ceux de l’Angleterre en réclamaient l’abolition complète et élevaient la prétention de faire passer librement leurs navires à travers la Mer-Rouge et le canal de Suez, qu’ils eussent ou non le choléra à leur bord. Les délégués français s’efforcèrent d’opérer la conciliation, d’amener leurs collègues à se faire des concessions réciproques et de leur faire accepter un compromis. À force de persévérance, ils parvinrent à faire triompher leurs idées, et malgré l’opposition des Anglais, qui demeurèrent intraitables, nos propositions furent votées par la commission à une grande majorité.

Elles constituaient une réforme considérable et toute une révolution dans la police sanitaire. Les quarantaines maritimes étaient réduites aux proportions rigoureusement nécessaires ; les quarantaines de terre, les cordons sanitaires déclarés inutiles étaient remplacés