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tout. Quant au ministère de la justice, les affaires qui en viennent sont la plupart d’un ordre élevé, mais peu nombreuses. Ce sont les décrets qui touchent à l’organisation et au fonctionnement des juridictions : cour de cassation, cours d’appel, tribunaux de première instance, justices de paix, tribunaux de commerce, et qui intéressent les barreaux d’avocats, le notariat, les corporations d’officiers ministériels. Ce sont encore les lois particulières qui créent ou modifient les circonscriptions cantonales. Les naturalisations naguère figuraient pour une très large part dans l’ensemble des travaux ; se chiffrant par milliers (notamment les naturalisations algériennes), elles occupaient les auditeurs et alimentaient les séances de la section. Mais, depuis trois ans, elles n’y vont plus qu’à titre exceptionnel. Restent les affaires de noms, c’est-à-dire les requêtes des personnes qui sollicitent du gouvernement l’autorisation gracieuse d’ajouter ou de substituer un autre nom patronymique à celui qu’elles portent légalement. Plusieurs de ces requêtes, pour lesquelles les postulans peuvent se faire assister par des officiers spéciaux, les référendaires au sceau de France, sont intéressantes au point de vue historique, lorsqu’il s’agit d’un nom célèbre, ou soulèvent des questions de droit civil ; le plus souvent, elles ne présentent aucune difficulté, et la totalité de ces demandes ne dépasse guère, annuellement, cinquante ou soixante.

Telles sont les affaires administratives que la section de législation reçoit couramment : en tout, moins d’une centaine, dont les trois quarts sont des plus simples. Si vous y joignez un projet de loi qui survenait, en moyenne, tous les dix ou douze mois[1], par la munificence d’un garde des sceaux pris de scrupule, — aumône ou aubaine sans lendemain, — et, chaque année, une douzaine de séances dans lesquelles la section délibère avec une section voisine, vous avez un aperçu exact des travaux qui constituent sa part dans l’œuvre du conseil.

Il y a là, on le sent de reste, un état de choses défectueux, anormal, et cette anomalie est encore plus choquante si l’on jette un regard à côté, sur la section du contentieux. Le contraste est frappant. Ici, c’est par milliers que viennent les affaires, et quelles

  1. En cinq années, de 1883 à 1887 inclusivement, la section de législation avait reçu huit projets ou propositions de loi. Elle est restée deux ans (1890-1891) sans en recevoir un seul. Ajoutons que cet état de choses s’est notablement modifié dans ces derniers mois, depuis que M. Ricard, l’auteur de la proposition dont on lira plus loin l’analyse, est devenu garde des sceaux et, en cette qualité, président du conseil d’État. M. Ricard est arrivé au ministère avec l’intention d’augmenter le rôle du conseil, en rendant effective sa collaboration aux lois ; et, pour la première fois depuis douze ans, on a vu un garde des sceaux ne pas s’en tenir, à son égard, à de vaines promesses ou à de bonnes paroles. Dès son installation, M. Ricard a renvoyé à la section de législation une série de projets de loi concernant la justice civile et criminelle.