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entre lesquelles le parlement aura peut-être quelque embarras à faire un choix.


IV.

La combinaison, au premier abord, paraissait séduisante. Étant donné que la section A se trouve inoccupée, et que la section B ne peut suffire à sa tâche, employer l’une à décharger l’autre, quoi de plus logique et de plus pratique ? Mais, en réalité, sous les dehors modestes d’une simple mesure d’ordre intérieur, le projet de M. Fallières soulevait des questions fort graves, et avait l’air de les trancher dans un sens peu conforme aux vues qui, à la chambre comme au sénat, tendent à prédominer. En sacrifiant la section de législation, il semblait faire un peu trop bon marché de l’attribution la plus haute du conseil d’État, et cela précisément alors que, dans le public, dans la presse, dans le parlement lui-même, l’opinion se déclarait en faveur d’une participation effective du conseil à la rédaction des lois. À la vérité, le projet autorisait la formation, selon les besoins du service, de commissions législatives spéciales et temporaires, dont les élémens seraient empruntés aux diverses sections. Mais ces commissions volantes ne firent point illusion. Il parut, en somme, que le contentieux devenait trop envahissant. Si l’on n’y prenait garde, il allait empiéter sur tout le reste au point de dénaturer l’institution et de réduire le conseil d’État à n’être guère plus qu’un vaste conseil de préfecture. Le projet, en outre, comportait la création d’emplois nouveaux, et c’était là une pierre d’achoppement. Sans doute, il ne s’agissait que de deux places de maîtres des requêtes et de trois places d’auditeurs, soit, chaque année, un supplément de crédit de 30,000 francs. Mais, sur ce chapitre des augmentations de personnel, on connaît le tempérament des chambres, faciles aux grandes dépenses, intraitables, en revanche, pour les petites. Au fait, qu’avait-on besoin d’une deuxième section du contentieux ? N’avait-on pas d’autres moyens plus sûrs de déblayer le rôle ? Ne pouvait-on simplifier les formes de la juridiction et, par exemple, multiplier les cas où la section est investie du droit de rendre elle-même les jugemens, sans qu’il soit nécessaire d’aller devant l’assemblée du contentieux ? Enfin et surtout, il fallait, pour l’avenir, diminuer cette affluence vraiment excessive des pourvois. On y parviendrait de deux façons ; en supprimant le droit d’interjeter appel dans les affaires de minime importance, et en renvoyant au juge civil tous les litiges susceptibles de lui être déférés.

Deux mois à peine s’étaient écoulés depuis le dépôt du projet de loi, et déjà ces idées, d’abord confuses et flottantes, avaient pris