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dès lors on ne porterait plus à l’assemblée que trois catégories de pourvois : 1° les réclamations dénommées recours pour excès de pouvoir ou pour violation de la loi ; 2° les contestations auxquelles donnent lieu les marchés conclus ou les concessions faites par l’État ; 3° les affaires dont le renvoi serait demandé par un des conseillers de la section ou par le commissaire du gouvernement : dans ce cas, aux termes de la loi de 1872, le renvoi à l’assemblée du contentieux est de droit.

Voilà, semble-t-il, une assez grande simplification. Mais, si elle fait gagner un peu de temps aux dispensateurs de la justice, elle ne réduit pas d’une seule unité le nombre des pourvois à juger. Est-ce à dire que ce contingent forme un tout irréductible et indivisible ? Ne peut-on rien élaguer dans cette frondaison qui menace d’envahir le conseil ?

On peut éliminer des catégories entières de pourvois ; et cela de deux façons.

On le peut d’abord, au moins dans une certaine mesure, en restreignant le droit d’appel.

Présentement l’exercice de ce droit est illimité. C’est une règle fondamentale de notre juridiction administrative que, pour le plus insignifiant des litiges, il soit toujours permis de déférer au conseil d’État l’arrêté ou jugement rendu en premier ressort par le conseil de préfecture. Or, il en est tout autrement devant la juridiction civile. Là, en effet, la faculté d’appel est renfermée dans des limites précises. Elle n’existe que si la valeur pécuniaire de l’objet litigieux n’est point inférieure au chiffre minimum que le législateur a fixé. On sait que les tribunaux de première instance connaissent en dernier ressort des actions personnelles et mobilières jusqu’à la valeur de 1,500 francs en principal, et des actions immobilières jusqu’à 60 francs de revenu. Il y a même des catégories d’affaires, — par exemple, les contestations relatives à la perception des droits d’enregistrement et de timbre, — où ils prononcent toujours sans appel, et cela quel que soit le chiffre de la somme en litige. Pourquoi cette différence entre les deux justices ? Pourquoi d’une part ces restrictions, de l’autre cette latitude indéfinie ? M. Ricard, dans son exposé des motifs, effleure la question sans s’y arrêter. Il propose seulement la suppression du droit d’appel en matière de contributions directes (et de taxes assimilées), lorsqu’il s’agit de cotes inférieures à trente francs ; les conseils de préfecture devant, dans ce cas, statuer en premier et dernier ressort.

Mais ce n’est là qu’un palliatif. Otez du rôle ces minuscules pourvois, la situation, au fond, sera-t-elle modifiée ? C’est aux affaires importantes, à celles qui retiennent durant des journées la