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faculté de prononcer dans un grand nombre d’affaires que présentement elle doit se borner à instruire et qui ne peuvent être réglées que par l’assemblée du conseil statuant au contentieux. Au fait, est-ce là une nouveauté si grande ? Dès 1841, M. Vivien, qui n’était point, que je sache, un utopiste, écrivait à cette place : « Mon avis est qu’un comité seulement, et non le conseil entier, connaisse du contentieux[1]. » Et, au temps même de M. Vivien, cette idée était fort ancienne. Nous la voyons pour la première fois apparaître dans l’ordonnance éphémère du 29 juin 1814. Il y avait là un comité investi des pouvoirs juridictionnels du conseil[2]. Le même système se retrouve plus tard, vers la fin de la restauration et sous la monarchie de juillet, dans la plupart des projets que les commissions parlementaires ou ministérielles élaborent. Enfin il passe dans la loi du 3 mars 1849 ; durant près de trois ans on l’applique dans sa plénitude, et il ne paraît pas que les choses en aient été plus mal.

La simplification proposée par M. Ricard n’est, en somme, qu’un retour à ce mode de juridiction, mais un retour prudent et partiel. Et, d’ailleurs, sans remonter bien haut, est-ce que la loi du 26 octobre 1888, qui a créé la section temporaire du contentieux, n’a pas déjà fait brèche au système en vigueur ? L’article 3 de cette loi n’a-t-il pas confié, non-seulement à la section temporaire, mais même à la section permanente, le règlement de tous les pourvois en matière d’élections ou d’impositions ? Et, par suite, ne voyons-nous pas, depuis tantôt quatre ans, les deux sections du contentieux, pour ces catégories de requêtes, tenir des audiences à portes ouvertes et les avocats du conseil se présenter en robe à leur barre ? Pourquoi le bénéfice de cette disposition ne serait-il pas étendu à la plupart des autres pourvois ? m’objecterez-vous que les affaires d’élections et de contributions sont de petites affaires ? Il en est aussi de délicates ; en tout cas, les intérêts qui s’y trouvent engagés ne sont pas moins respectables que les autres, et si, vraiment, c’était pour un justiciable une garantie si précieuse que d’être jugé par l’assemblée du contentieux, cette garantie devrait être accordée à tous.

M. Krantz, dans sa proposition initiale, s’était approprié cette partie du programme de M. Ricard. Il faisait, lui aussi, de la section le juge ordinaire du contentieux. Même il enchérissait, car il allait jusqu’à investir chacun des deux comités du droit de régler seul toutes les affaires d’élections ou de contributions. En sorte que les pourvois introduits devant le conseil d’État pouvaient être jugés,

  1. Voyez la Revue des 15 octobre et 15 novembre 1841.
  2. Article 9, § 2, de l’ordonnance.