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le conseil participe d’une façon utile, et non plus illusoire, à la tâche si laborieuse, si compliquée du législateur.

Évidemment, il ne peut être question de rétablir dans sa plénitude le pouvoir législatif que le conseil d’État exerçait sous l’empire. Le véritable mandataire de la nation, sous ce régime, était l’empereur. D’où la prééminence attribuée à son conseil, « premier rouage de notre organisation, » comme le définissait, dans son préambule, la constitution de 1852. Et puis n’oublions pas que le gouvernement seul présentait les lois. L’initiative parlementaire n’existait pas. Aujourd’hui elle déborde de toutes parts ; elle encombre, elle surcharge la machine législative par le nombre croissant de ses propositions : masse énorme et hétérogène[1]. Tout renvoyer au conseil d’État serait l’écraser sous une avalanche.

Pouvons-nous du moins revenir au système que la loi du 3 mars 1849 avait institué ? Cette loi, on se le rappelle, admettait des catégories. Le renvoi au conseil, facultatif pour les propositions qui émanaient de l’assemblée nationale, était obligatoire pour les projets du gouvernement, à l’exception des lois budgétaires, de celles qui fixaient le contingent annuel de l’armée, des actes qui ratifiaient les arrangemens diplomatiques, enfin des lois offrant un caractère d’urgence. Ce système convenait peut-être au régime établi par la constitution de 1848 ; il ne saurait convenir au nôtre. Et en effet, dans la pensée du législateur de 1848, le conseil d’État devait être une institution à double fin ; on l’appelait, dans une certaine mesure, à faire l’office d’une seconde chambre. Aujourd’hui, il n’a point à jouer ce rôle ; la chambre n’est plus l’assemblée unique ; il y en a deux, et, par suite, les lois subissent, dans leur préparation, deux épreuves.

Cependant, parmi toutes ces propositions si nombreuses, si diverses, que chaque session voit surgir, il y aurait lieu de distinguer. Les unes, — lois politiques, — échappent par leur objet à la compétence naturelle du conseil d’État. Mais il en est où son intervention serait particulièrement désirable. Je veux parler des propositions et des projets qui tendent à modifier nos codes. Je n’ai point, pour ma part, le culte superstitieux de nos codes ; j’estime que l’on y rencontre, à côté de prescriptions très sages, d’autres prescriptions parfaitement iniques et qui jurent avec l’esprit de notre temps. Le code de procédure, spécialement, est à refaire. Mais, au demeurant, les codes forment un tout homogène,

  1. On sait que la terminologie parlementaire distingue les projets de loi, qui sont présentés par le gouvernement, et les propositions de loi, qui proviennent de l’initiative des membres du parlement.