Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 113.djvu/402

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’un des membres de l’assemblée : — « Alors, à quoi bon tant dépenser pour la dérivation des eaux de source ! » — Mais l’eau de source, Alphand, cependant, la croyait meilleure et nécessaire, et quand il allait demander à la chambre des députés les sources de l’Avre : — « Messieurs, disait-il, du haut de la tribune, voici nos analyses : eau de la Dhuis, 578 bactéries ; eau de la Vanne, 163 ; eau de la Seine, à Ivry, 8,230 ; au pont d’Austerlitz, 16,990 ; à Chaillot, 46,970 ! » N’était-ce pas laisser voir que l’analyse n’était quelquefois qu’un moyen parlementaire ? N’y avait-il pas là marque d’un peu de scepticisme ?

Mais cet heureux état d’esprit, plein d’une philosophique indifférence, n’est pas celui de tout le monde. On croit aux microbes, à leur influence dangereuse. Aussi lorsque, les réservoirs d’eau de source une fois épuisés, l’administration met une portion de la ville au régime de l’eau contaminée, la terreur se répand dans tout le quartier. On dévalise les marchands d’eaux dites minérales : on fait bouillir son eau et on approche avec peu d’entrain ses lèvres de ce liquide, qui n’est, certes, ni agréable, ni frais, comme le voulait Belgrand, ni même très sain, étant, comme chacun sait, lourd à digérer. Et on se plaint : on accuse d’imprévoyance les édiles chargés de notre bien-être ; on crie au gaspillage, à la mauvaise répartition de cette chose précieuse à laquelle, on l’a proclamé bien haut, tout citoyen a droit, comme au bon air, comme au bon pain. On calcule que les 100,000 à 120,000 mètres qu’on distribue journellement, également répartis aux 2,500,000 habitans de Paris, donneraient à chacun entre à 40 et 48 litres. Il y a, certes là, plus qu’il n’en faut pour la boisson et les nécessités ordinaires de la toilette. Mais encore, ajoute-t-on aussitôt, n’en faudrait-il rien distraire pour faire mouvoir les ascenseurs, fort indifférens certainement à la bactériologie, ni surtout pour effectuer dans les appartemens certaines œuvres basses d’assainissement et de propreté, qu’il est inutile de désigner plus explicitement, et pour lesquelles l’eau n’a certainement que faire d’être potable et de premier choix.

Il y a du vrai. Sans doute, chaque voyage d’un ascenseur au cinquième étage dépense de 200 à 500 litres d’eau, suivant ses dimensions. Mais le nombre de ces commodes et luxueux appareils est encore fort petit et on n’estime pas à plus de 4,200 mètres actuellement, ce que leur manœuvre dépense d’eau en un jour. C’est cependant déjà quelque chose. Ajoutons-y les 28,000 à 30,000 mètres que peuvent exiger les autres opérations auxquelles nous faisions allusion tout à l’heure. C’est près de 35 millions de litres, qu’il serait fort utile de réserver à la boisson, lorsqu’avec l’été les besoins augmentent et les ressources diminuent.