Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 113.djvu/475

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Montesquiou, abrogée pour près d’un demi-siècle en 1815, et il y a eu aussi l’annexion de 1860, par l’inévitable contre-coup de la guerre d’Italie, par l’accord de la volonté populaire et des gouvernemens. Les bons Savoyards, sans trop consulter l’histoire ni les événemens survenus dans l’intervalle, ont choisi le centenaire de 1792, sans doute, pour ne point attendre jusqu’à l’autre siècle le centenaire de 1860, et puis parce que 1792 était une date républicaine. Ils se sont adressés pour leur monument à un éminent artiste, M. Faiguière, qui a coulé dans le bronze une vigoureuse fille des campagnes de Savoie étreignant le drapeau français. Ils ont demandé enfin à M. le président de la république de venir s’associer à ces fêtes du centenaire de la réunion, et M. le président de la république, sans se faire prier, s’est gracieusement empressé de se rendre au jour fixé dans ce pays des Alpes où il a commencé autrefois sa carrière d’ingénieur.

À dire toute la vérité, ce n’est pas ce voyage présidentiel qui a par lui-même rien de bien extraordinaire, rien de bien nouveau. Il a été passablement précipité, coupé de quelques incidens un peu puérils et surtout contrarié par une température ingrate, par une pluie diluvienne. M. le président de la république, dans sa course rapide de Fontainebleau aux bords du lac du Bourget, a joué un peu aux propos interrompus avec les maires qu’il a rencontrés sur son passage, qu’il a harangués, Dieu nous pardonne, d’un mot rappelant le vieux palais qu’il venait de quitter, — la cour des adieux ! Il est arrivé à Chambéry où il a retrouvé le programme invariable des réceptions, des visites, des discours officiels. Il a passé sous la pluie la revue d’une des belles divisions et des bataillons alpins de M. le général Berge. Il a inauguré sous la pluie le monument de Faiguière. Il a reçu les autorités civiles et militaires, il a présidé un banquet ; il a visité un lycée de filles, l’exposition horticole, les hôpitaux, laissant partout les marques de sa générosité ou de sa bienveillance et escorté par la cordialité populaire. À son retour, dans une courte halte, il a eu à peine le temps d’échanger quelques paroles aimables avec le roi George de Grèce, avec le prince de Leuchtenberg, et de se faire représenter par M. de Freycinet, par M. Ribot auprès du chancelier de Russie, M. de Giers, récemment arrivé pour le soin de sa santé. Si vite qu’il ait passé à Aix cependant, M. Carnot, sans le vouloir et sans le savoir probablement, n’a pu se dérober au léger ridicule d’une rencontre avec quelques bambins qui avaient à l’entretenir de l’alliance russe 1 Tant il est vrai que les affaires sérieuses ne vont pas toujours sans quelque intermède puéril ! Et tout cela a pris moins de deux jours, le temps de traverser le plus aimable pays au milieu des manifestations, des ovations et des acclamations éclatant avec une certaine spontanéité sur le passage du chef de l’État, reçues avec plaisir.

C’est l’éternelle histoire des voyages officiels ! Les apparences ne sont