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présente, en revanche, le régime de l’école pour les véritables élèves reçus après concours. Ce sont, en immense majorité, des jeunes gens à peine formés physiquement, presque des enfans, qui ont dû, pour réussir, se livrer à un labeur très rude pour leur âge. Pauvres pour la plupart, travailleurs et doux en général, quelquefois doués d’une tête un peu chaude, ils sont, — il faut bien en convenir, — passablement dépourvus d’éducation à raison de leur modeste origine et de leur jeune âge. Avec de semblables élémens, il faut un règlement intérieur sui generis. Les nouveaux promus quittent leurs départemens pour mener la vie d’internat la plus stricte sous un régime militaire, dans une petite ville du midi, où la plupart d’entre eux n’ont jamais mis les pieds, et dans laquelle presque aucun n’a de relations, ce qui ne favorise guère les sorties, faute de correspondans sérieux. Pour la même raison, le parloir est bien souvent désert. Rigoureusement privés de journaux et de livres autres que les ouvrages techniques, soigneusement séparés de leurs devanciers des promotions antérieures, sage disposition propre à éviter de sottes ou brutales brimades, ils se trouvent pris dans une sorte d’engrenage et condamnés, bon gré, mal gré, à un travail acharné, à une lutte de tous les instans pour ne pas rester en arrière. Plus de six heures par jour s’écoulent dans les ateliers, qui ne chôment que les dimanches ; près de deux heures sont consacrées au dessin. Quotidiennement, les élèves écoutent, plume en main, une leçon théorique d’une heure et demie. Les études, en tout, durent moins de trois heures. Aussi les élèves tant soit peu diligens travaillent-ils leurs cours durant les récréations, ce qui partout ailleurs offrirait de graves inconvéniens ; mais à l’école des Arts et Métiers, les heures obligatoires consacrées au travail manuel dans les ateliers sont si longues que l’esprit des élèves n’est pas surmené par cette habitude, grâce à un règlement essentiellement hygiénique. Nous verrons du reste que le sort de l’interne ou externe, après son admission à l’école, dépend principalement de son adresse et de son zèle à l’atelier.

Forcés de loger en ville et de ne venir à l’école qu’aux heures de dessin, de classe ou d’atelier, les externes perdent beaucoup de temps en allées et venues. Leurs études s’en ressentent. Leur conduite en ville ne saurait être surveillée bien efficacement, et comme, en pratique, rien ne les empêche d’arriver à l’établissement quelques minutes avant la fin des récréations, il en résulte un contact forcé, très préjudiciable aux pensionnaires, auxquels les élèves du dehors peuvent apporter des provisions de bouche ou des journaux. L’institution de l’externat est, sans doute, d’origine