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ou aux magazines périodiques ; mais la preuve que les diplômes ne gâtent rien, c’est que presque toutes les jeunes filles qui en obtiennent se marient. Elles n’ont couru pendant leurs années de collège aucun risque de surmenage ; l’éducation du corps est aussi soignée que celle de l’esprit. M. Hamilton Aidé a été frappé de leur bonne mine et de leur gaîté, tandis qu’elles patinaient sur le lac où, l’été, elles s’exercent à ramer.

Quant aux dames de Boston, il a gardé le plus charmant souvenir de leurs dîners, prétexte à conversations inoubliables. Les escarmouches d’humour qui en sont l’un des traits distinctifs ont lieu entre un petit nombre de convives distingués, rompus à discuter tous les sujets qui relèvent de la pensée moderne et à s’aiguiser l’esprit les uns contre les autres ; elles ont un caractère tout particulier de verve facile, intarissable. Et quelle richesse de fond, quelle absence d’effort !

Washington s’occupe plutôt de politique ; si le progrès et la mode l’intéressent, la peinture le laisse indifférent ; on y discute rarement les livres, on y est fort occupé de soi ; la conversation reste par conséquent ou trop lourde ou trop légère ; hommes d’État et diplomates se tiennent en équilibre sur le bord d’une très mince couche de glace, l’échange de politesses est abondant, mais on ne s’aventure guère loin du rivage. Sans doute, il ne faudra pas beaucoup de temps pour que le ton de cette société change ; dans le grand centre politique des États-Unis, d’opulens citoyens viennent, d’année en année, s’établir, apportant de différentes parties du pays des besoins intellectuels, auxquels force sera bien de répondre. Mais, pour le moment, Washington n’a pas de collections d’art particulières ; un bon concert, une bonne troupe d’acteurs y sont rares. D’autre part, on ne saurait considérer comme réunions mondaines les réceptions de la Maison-Blanche, où tout citoyen est autorisé à entrer et à donner une poignée de mains au président, pas plus que certains thés de l’après-midi offerts par une femme de ministre qui, selon l’usage établi, doit être en toilette du soir, tandis que ses invités sont en toilette de ville. Sans doute, il y a des bals superbes, de grands dîners diplomatiques et, parmi les habitans de Washington, se trouvent des gens fort agréables ; mais la position officielle qu’occupe sa société rend celle-ci plus raide que la société de New-York et de Boston.

À propos des salons de New-York, on s’étonnera peut-être d’apprendre que l’Amérique ait fait un talent, dans toute l’acception du terme, de la conversation. Le paragraphe suivant, coupé dans un journal de cette ville, signale comme professeurs, cinq ou six femmes bien élevées qui gagnent