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l’instruction des cavaliers et le dressage des chevaux et qui nous laisse une doctrine écrite, claire, méthodique, complète. Ce travail n’est pas aussi effrayant qu’on le pourrait croire : si des hommes capables veulent s’y adonner sérieusement, un mois peut suffire à choisir et à classer les matériaux, un autre mois à construire un édifice qui, bien entretenu, restera impérissable.

Si Saumur devient le siège de l’académie, il faut alors qu’on y étudie comme à Ypres, sans parti-pris, toutes les théories des maîtres, qu’en dehors et au-dessus de l’équitation militaire on y cultive l’équitation académique, et qu’on rédige enfin la méthode depuis si longtemps réclamée. Mais il vaudrait sans doute mieux qu’il y eût une école civile à côté de celle de Saumur, les deux écoles non rivales, mais se prêtant au contraire un mutuel concours.

En tout cas, il faut qu’on se persuade qu’il n’y a pas une équitation militaire et une équitation civile, une équitation de manège et une équitation d’extérieur : il ne peut y avoir qu’une seule méthode pour apprendre à bien monter à chenal en toutes circonstances ; et les principes de cette méthode ne peuvent être bien définis que par des écuyers étudiant le manège avec une ardeur et une persévérance infatigables. Si autrefois on mettait très longtemps à apprendre, on peut aujourd’hui aller beaucoup plus vite, grâce aux connaissances que les maîtres ont acquises avec le temps et que leurs livres ont propagées ; mais des professeurs sachant bien démontrer le pourquoi et le comment de tout ce qu’ils enseignent peuvent seuls faire faire à leurs élèves de rapides progrès. Au fond, les maîtres ne peuvent penser différemment sur les questions de principes, et ils s’en convaincraient vite, bien certainement, s’ils se réunissaient avec l’intention de discuter entre eux sans parti-pris.

J’ai essayé d’exposer ici, aussi exactement et aussi impartialement que possible, l’état actuel de l’enseignement de l’équitation en France, qui est peut-être l’image de l’état actuel de notre société. De tous côtés les spécialistes appellent l’attention sur cette question importante. En même temps que j’écrivais cette courte étude, M. Duplessis travaillait à un livre remarquable, l’Équitation en France, qui vient de paraître avec une préface du général L’Hotte ; de nombreux articles paraissent à chaque instant dans les journaux. On doit souhaiter que le gouvernement écoute enfin tous ces appels, ou qu’une Société sérieuse et puissante se forme pour conserver à notre pays la suprématie qu’il a toujours eue dans l’art de l’équitation.


F. MUSANY.