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sont, écrit un agent électoral au New-York Herald, dépensés on honor, c’est-à-dire qu’il n’en est pas rendu publiquement compte ; le relevé clos et arrêté des dépenses n’est communiqué qu’à titre confidentiel aux membres influens du parti et, généralement, nul n’a qualité pour procéder à une révision. » La vérité est que le parti vainqueur n’a aucun souci de vérifier l’authenticité des dépenses et que le parti vaincu n’a cure de procéder à une enquête, post mortem, des dépenses autorisées par son comité. En 1888, le parti républicain inaugura la création d’un comité de finances présidé par M. Wenamaker, lequel se fit rendre compte des déboursés et vérifia les pièces comptables, mais ce fut là une mesure exceptionnelle prise en vue d’augmenter la confiance des souscripteurs. Les résultats de cette innovation, généralement blâmée comme contraire aux précédens, ne font pas prévoir qu’on y ait recours de nouveau ; on s’en tiendra, comme par le passé, à choisir, pour président du comité central, un financier dont l’intégrité inspire une confiance absolue ; on s’appliquera aussi, et de plus en plus, à appeler à ces fonctions des hommes dont la situation de fortune soit telle qu’elle les mette à l’abri de tout soupçon.

L’expérience a démontré, en effet, qu’il était absolument nécessaire que le président du comité central eût, derrière lui, de fortes réserves et pût faire face, de ses propres deniers, aux exigences de la situation. Les souscriptions rentrent irrégulièrement, parfois lentement, et les dépenses doivent être acquittées à présentation sous peine de voir brusquement s’arrêter le fonctionnement de la machine. Il est souvent arrivé que le président du comité central a dû faire des avances de 1,500,000 francs et de 2 millions à la caisse de son parti et prendre, en outre, à son compte, la campagne terminée, le déficit occasionné paries dépenses imprévues et urgentes des derniers jours. Le temps manquait pour les soumettre à l’approbation du comité ; force était au président d’en assumer la responsabilité et d’y faire face. C’est ainsi que, lors de la candidature de M. Blaine à la présidence, M. B.-F. Jones dut payer de sa poche une somme de 600,000 francs pour parfaire les comptes. La dernière campagne présidentielle coûta plus cher encore à M. Brice, président du comité démocratique ; il en fut pour 2,300,000 francs, et ce chiffre explique le peu d’empressement qu’il vient de montrer et son refus d’accepter la direction de la campagne actuelle.

En présence de pareilles responsabilités, on s’étonne qu’il se trouve des personnalités marquantes pour les assumer. Il faut que la passion politique soit bien forte ou que la tentation de jouer un rôle important, ne fût-ce que pendant quelques semaines, soit bien vive, pour déterminer un homme puissamment riche à se charger