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s’explique qu’au lendemain de l’élection qui renversait Cleveland et amenait Harrison, on ait agité la question de savoir si le moment n’était pas venu de modifier la loi constitutionnelle et d’assurer au chef du pouvoir exécutif un plus long terme d’exercice. C’était rompre avec les traditionnels erremens qui, depuis 1789, avaient fait loi pour 26 présidens, et l’on hésitait à revenir sur la décision des fondateurs de la république. Eux-mêmes, cependant, avaient hésité longtemps à la prendre.

Lorsqu’en mai 1787, Edmund Randolph et Charles Pinkney soumirent à la convention nationale leur rapport sur les lois organiques des États-Unis, ils laissèrent en blanc la durée des pouvoirs du président, durée sur laquelle ils n’avaient pu se mettre d’accord. La première motion fut celle de James Wilson, représentant de la Pensylvanie ; il proposa d’insérer trois ans, mais aussi une clause déclarant le président rééligible. Charles Pinkney voulait sept années. Roger Sherman appuya la motion de James Wilson et George Mason celle de Pinkney, sous la réserve expresse que le président ne pourrait être réélu après sept années d’exercice. La question se posa, tout d’abord, pour ou contre le chiffre de sept années. Cinq États : New-York, New-Jersey, Pensylvanie, Delaware et Virginie votèrent pour ; quatre : Connecticut, la Caroline du Nord, la Caroline du Sud et la Géorgie votèrent contre ; Massachusetts se déclara divisé. D’un commun accord, on ajourna la solution.

Telle était l’indécision des législateurs sur cette question importante, que, lorsqu’elle revint, quelques jours plus tard, en discussion, sur le rapport de Gorham, Alexander Hamilton proposa que le président fût nommé à vie. On écarta cette motion après débats, et la majorité se prononça, par un vote préliminaire, en faveur de sept années, mais sous la réserve de non-réélection.

En juillet, nouvelle discussion. Cette fois, la clause restrictive quant à un second mandat est mise de côté. On examine la question de prolongation indéfinie des pouvoirs sous la condition de good behaviour, de « bonne conduite, » mais la majorité y est hostile. La double préoccupation qui se fait jour dans les débats est, d’une part, d’affranchir le pouvoir exécutif du contrôle du pouvoir législatif, de l’autre, d’écarter jusqu’à l’apparence d’une monarchie. Cette dernière prévaut, et la clause de on good behaviour va rejoindre celle de non-rééligibilité.

Le vote du lendemain semble décisif. La convention se prononce contre le terme de sept années. Ellsworth propose que le président soit élu pour six ans. « Si les élections sont trop fréquentes, dit-il, le pouvoir exécutif sera trop faible. Ses fonctions sont de nature à le rendre impopulaire, pour un temps du moins, et sa