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monétaire et, bien que je ne puisse l’évaluer en dollars, n’ayant pas le loisir d’étudier à fond la question, j’estime qu’il est urgent de chercher au plus tôt un remède à un pareil état de choses. » Sydney Dillon conclut de même, et aussi Samuel Sloan et Russell Sage. Leurs évaluations se rapprochent de celle de M. Depew.

Les présidens des banques nationales et des banques d’épargne, George G. William, Henry H. Hoguet, William G. Sturges, sont plus catégoriques encore, étant mieux à même que personne de se rendre un compte exact de l’activité ou du ralentissement des transactions. Ils ont, en quelque sorte, le doigt sur le pouls du patient ; ils voient s’élever ou s’abaisser le montant des dépôts, se réduire ou s’accroître le chiffre de l’épargne, l’argent circuler ou demeurer stagnant. « Pas un homme politique, dit M. Hoguet, n’a cure du ralentissement brusque et soudain dont l’ouverture de la campagne présidentielle donne le signal. Toutes les grandes entreprises, tous les gros contrats s’arrêtent simultanément. » Et M. Sturges ajoute : « Je ne crois pas qu’il convienne de faire entrer en ligne de compte, dans le calcul, la perte de salaires volontairement encourue par l’ouvrier ; il faudrait alors faire entrer en ligne ce que gagnent les agens électoraux et tous ceux pour lesquels une élection est une occasion de gains. Nous voyons bien, pendant les périodes électorales, ce que l’ouvrier retire de la caisse d’épargne, mais nous ignorons ce qu’encaissent les politiciens. Ce qui est certain, c’est que le pays souffre et que les pertes sont énormes. » Même unanimité chez les grands courtiers en marchandises, en fonds publics, en propriétés. Ils évaluent de 25 pour 100 à 50 pour 100 le montant du ralentissement des transactions. Sur les hypothèques seules, la différence se chiffre par 25 millions, sur les courtages par 10, sur les assurances par 15.

S’il fallait accepter sans contrôle les pertes accusées par les manufacturiers, industriels et négocians de tous ordres, le chiffre de 2 milliards 1/2 serait de beaucoup dépassé ; mais il importe de tenir compte du fait que des commandes différées ne sont pas toujours des commandes supprimées et qu’une période de stagnation est souvent suivie d’une période de reprise. La comparaison des chiffres d’affaires, pendant et après la crise, avec ceux des périodes correspondantes ordinaires permet de rétablir les faits. Tels qu’ils sont, ils ne laissent aucun doute sur le bien fondé des plaintes et ils n’infirment en rien une évaluation que beaucoup tiennent pour trop faible et contre laquelle nul ne s’inscrit en faux.

Les intérêts lésés ont donc remis à l’ordre du jour la question, si péniblement tranchée par la convention nationale, de la durée des pouvoirs présidentiels. À en juger par le retentissement qu’eut,