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voulait épouser un « trompette, » au préjudice d’un garde du corps qui l’avait demandée en mariage. Par mesure de prudence, disait-il, et pour épargner à sa fille les fleurettes du galant, i\ l’avait déjà placée dans un couvent de Meaux ; mais il avait toutes raisons de craindre que le jeune homme ne l’enlevât, ayant appris que celui-ci avait déjà trouvé le moyen de l’y voir et de lui parler. — « On déshonoreroit, conclut-il, une famille où il y a des lieutenans-généraux et des chevaliers de Malte. » — Le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, fut prié de donner son avis, et répondit que les communautés religieuses étaient impropres à garder ces sortes de filles, qu’elles ne s’y corrigeaient point et corrompaient souvent les religieuses, qu’il n’y aurait de sûreté qu’en la plaçant dans une maison de force où on pourrait la cacher et que la maison de Sainte-Pélagie, autrement dit le Refuge, semblait la plus convenable dans le cas présent. Marie Du Rosel fut transférée du couvent où elle était dans la prison de Paris. Peu après, le ministre reçut une lettre très vive de Mme de Richelieu, supérieure du couvent de Meaux ; elle rendait le meilleur témoignage au sujet de la jeune fille, qu’elle disait connaître pour pieuse et sage et qui, loin de se laisser courtiser par des soldats, était dans la disposition de se faire religieuse ; mais que le père, désireux de jouir du bien que Marie Du Rosel tenait de sa mère, l’avait fait transférer à Sainte-Pélagie, dans l’espoir qu’on l’y garderait pour le restant de ses jours. D’Argenson, chargé de vérifier les faits, manda devant lui Du Rosel, le pressa de questions, si bien qu’il le contraignit d’avouer qu’il n’avait aucune preuve de tout ce qu’il avait avancé. L’émotion fut grande et l’on voulut punir le gentilhomme sévèrement, « tant parce qu’il avoit surpris, par un faux exposé, l’ordre qui lui avoit été accordé, que parce qu’il avoit voulu déshonorer sa fille. » Marie Du Rosel rentra au couvent de Meaux, d’où elle sollicita la grâce de son père.

Vers la même époque, Mme Chantray d’Ormoy avait également été conduite au Refuge. Son mari, en liaison avec une de ses voisines, avait déjà cherché, par différens moyens, à l’éloigner. Il l’avait tout d’abord, en 1682, attaquée en adultère devant le parlement ; mais il avait été débouté de sa plainte. Deux fois encore, dans la suite, il revint à la charge, sans plus de succès ; quand il fit rencontre d’un personnage qui se disait en possession de facilités singulières pour faire délivrer des lettres de cachet. Et nos deux compagnons de passer le traité suivant :

« Nous, soussignez, sommes demeurez d’accord de ce qui s’ensuit, c’est à sçavoir que moy, seigneur Des Aulnez et le seigneur