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ÉTUDES SUR LE XVIIIe SIÈCLE

I.
LA FORMATION DE L’IDÉE DE PROGRÈS.

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On peut dire de l’histoire littéraire du XVIIIe siècle qu’elle est comprise et comme renfermée tout entière entre deux dates et deux œuvres : les Parallèles des anciens et des modernes, de Charles Perrault, publiés de 1688 à 1697, et l’Esquisse d’une histoire des progrès de l’esprit humain, de Condorcet, imprimée par ordre de la Convention nationale, en 1795. Tout ce qui précède les Parallèles est franchement encore du XVIIe siècle, dont aussi bien ils retiennent eux-mêmes plus d’un trait caractéristique, mais tout ce qui suivra l’Esquisse de Condorcet sera déjà du XIXe siècle, que d’ailleurs elle annonce. On serait donc en droit, si l’on le voulait, d’ordonner toute l’histoire littéraire du XVIIIe siècle par rapport à cette idée de « progrès, » dont les horizons, encore étroits, dans les Dialogues de Perrault, s’agrandissent insensiblement, pour finir par s’étendre comme en perspectives illimitées dans le rêve de Condorcet ; et nous verrons bientôt qu’en effet c’est à peine si deux ou trois autres idées, pendant cent ans, ont partagé avec elle, sans la contrarier d’ailleurs, ou plutôt en l’aidant, le gouvernement des esprits. À tout le moins, puisqu’elle a pour elle, après deux siècles tantôt passés, d’être la seule que ceux mêmes qui l’ont le plus ardemment combattue n’ont réussi, pour