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ceux-ci attachaient au maintien intégral de leur association. Quant à la Belgique, l’exposé des motifs de la loi destinée à ratifier la convention du 6 novembre faisait entrevoir la perspective d’une prolongation indéfinie de l’Union : « Il est permis d’espérer, y lisait-on, que les avantages considérables que l’Union assure aux nations associées ne seront pas méconnus, et qu’une nouvelle prorogation sera consentie. Le vote de la Belgique est assuré d’avance à toute mesure qui pourrait prolonger, consolider ou étendre l’Union. » Le rapporteur de la chambre des représentans, M. Jacobs, s’exprimait ainsi : « L’isolement est, en matière monétaire, un sérieux inconvénient pour les petits pays. En supposant qu’il fût possible de nous rattacher au système adopté par d’autres États, il eût fallu rompre avec d’anciennes habitudes et jeter le trouble dans de nombreuses et importantes relations commerciales. En ce moment de crise, une rupture n’était à conseiller qu’à la dernière extrémité. La commission approuve le gouvernement d’avoir accepté la transaction qui lui était offerte. »


La convention du 6 novembre 1885 expirait le 1er janvier 1891 : elle n’a pas été renouvelée et l’Union latine ne subsiste plus que par tacite reconduction. Pourquoi les gouvernemens associés n’ont-ils pas conclu une convention nouvelle ? On est fondé à croire, puisqu’aucun d’eux n’a usé de son droit de dénonciation, qu’ils ont jugé qu’une expérience de vingt-six ans avait suffisamment établi aux yeux de tous les intéressés les avantages de l’Union, pour qu’il fût inutile désormais d’en assurer l’existence par un acte diplomatique nouveau, et que la voie de la tacite reconduction y pourvoyait sans enchaîner la liberté de personne. La Suisse, dont les inquiétudes ont été apaisées par l’arrangement de 1885, est si loin de songer à sortir de l’Union, qu’elle travaille activement à la refonte de ses vieilles pièces de cinq francs, dont beaucoup ont souffert du frai. En Belgique, le 20 mai dernier, le président du conseil, M. Beernaert, interrogé au sein de la chambre des représentans sur l’accueil que le gouvernement belge comptait faire à la proposition de réunir une nouvelle conférence monétaire, s’exprimait en ces termes : « On a dit avec raison que la démonétisation de l’argent par l’Union latine serait le point de départ d’une catastrophe dont nul ne pourrait mesurer les effets. Ce péril, le maintien de l’Union latine l’a écarté. L’argent y circule pour sa pleine valeur, sans que personne souffre de sa dépréciation, et même sans que personne s’en aperçoive. Il en sera de même aussi longtemps que l’on aura la certitude de pouvoir échanger cet argent contre sa valeur nominale en or. À l’étranger, on tire sur nous en or ; à l’intérieur, l’argent vaut l’or. Et