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traite de bourgade. Il n’en va pas de même avec l’énorme flot d’impuretés qui s’élance des gigantesques vomitoires de Clichy et de Saint-Denis.

Cependant, même encore aujourd’hui, si la Seine est en crue, si elle débite, comme cela lui arrive assez souvent en hiver, 1,000 à 1,100 mètres cubes à la seconde, ce qui est la limite au-delà de laquelle commencerait le débordement, la quantité d’oxygène contenue dans ce vaste flot a assez promptement raison des souillures des 5 mètres cubes que, dans le même espace de temps, y jettent les égouts. Mais, en temps d’étiage, régime fréquent de l’été, la Seine peut ne pas débiter plus de 78 mètres cubes ; ce n’est plus 200 fois, c’est seulement 16 à 17 fois le volume de l’eau d’égout. L’oxygène disponible est rapidement consommé. Il est impuissant à purifier une telle masse, et alors c’est la putréfaction avec toutes ses conséquences.

Sans doute, en aérant autant que possible les conduits où circulent les eaux infectées, on fournit à celles-ci le moyen de dissoudre continuellement de nouvelles quantités d’oxygène. Mais c’est loin de suffire. Que faire alors ? Le jour viendra peut-être où la chimie trouvera le moyen d’incorporer directement à l’eau d’égout assez de ce gaz régénérateur pour en assurer à l’instant la purification. Un chimiste distingué, chercheur infatigable, s’y est essayé, sans y réussir encore.

Mais ce qu’on ne peut pas obtenir aujourd’hui dans les égouts eux-mêmes, ce contact intime de molécule à molécule, pour ainsi dire, de l’oxygène avec la matière organique contenue dans les eaux, l’épandage sur un sol perméable convenablement drainé donne le moyen de le produire. À la surface, et par conséquent directement exposées à l’action incessante de l’atmosphère, restent les particules insolubles les plus volumineuses. Leur oxydation n’est plus qu’une affaire de temps. Les plus impalpables pénètrent à quelque profondeur ; l’oxygène saura les retrouver. Plus bas enfin, descendent les eaux encore impures par le fait des substances en dissolution. Chaque particule terreuse s’imbibe, c’est-à-dire s’enveloppe d’une couche liquide infiniment mince, pellicule d’épaisseur moins mesurable encore que celle de la bulle de savon. L’eau présente ainsi une surface très étendue à l’action de l’air qui circule à travers tous les imperceptibles interstices de cette terre meuble : saisie par l’oxygène, la matière organique dissoute est rapidement détruite. L’azote lui-même, qui résiste à l’oxygène au sein des combustions les plus violentes de nos fourneaux, entre ici en combinaison. Il ne résiste pas à l’intervention des microbes, justement appelés nitrificateurs, dont le savant M. Schlœsing a découvert et précisé le rôle merveilleux. Grâce à eux, il devient