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on a pu suivre ici même les brillans et saisissans épisodes. M. Camille Rousset avait la passion de ces beaux travaux d’histoire militaire. Il y mettait une probité sévère, un zèle infatigable d’exactitude, la loyauté d’un esprit honnête qui joignait au talent la dignité du caractère dans une vie simple. C’était un laborieux dévoué à son œuvre et prouvant par son exemple qu’en racontant ce que d’autres ont fait, on peut aussi servir la France.

Les affaires du monde, à l’heure où nous sommes, aux approches de l’hiver, n’ont certes rien qui puisse décourager la confiance et prêter aux augures sérieusement inquiétans ; ce n’est pas que l’animation et la vie avec leurs contradictions manquent dans cette représentation toujours changeante ou même qu’il n’y ait toujours une place pour l’imprévu. Agitations des partis, élections déjà faites ou près de se faire, débats parlementaires, ministères branlans, démêlés commerciaux, dialogues diplomatiques, tout se mêle dans ce mouvement perpétuel et universel. Au fond, à travers tout, les conditions générales du continent sont aujourd’hui, d’après toutes les apparences, ce qu’elles étaient hier. L’Europe reste dans cette situation qui n’a, si l’on veut, rien de nouveau, où les gouvernemens, en désirant la paix, semblent sans cesse occupés de se fortifier par leurs alliances ou par leurs arméniens, de se mettre en garde contre les événemens, — et où les plus puissans ont quelquefois de la peine à concilier leurs coûteuses combinaisons diplomatiques et militaires avec les nécessités de leur politique intérieure. C’est en vérité la question qui semble s’agiter dans les États de la triple alliance, — en Allemagne à propos d’une nouvelle loi militaire, en Italie à l’occasion des élections qui vont se faire, même en Autriche où le cabinet de Vienne met tout son art à se tenir en équilibre.

Qu’est-ce qui va arriver de ce nouveau projet militaire que l’empereur Guillaume II médite depuis quelque temps et dont il est allé récemment faire confidence à l’empereur François-Joseph à Schœnbrunn, — que le chancelier, M. de Caprivi, vient maintenant de porter au conseil fédéral de l’empire ? Et d’abord qu’est-ce que ce projet qu’on a si passionnément discuté en Allemagne, même avant de le connaître, et qui soulève des contestations plus vives encore depuis qu’il a été divulgué par une indiscrétion ? C’est bien simple, on avait commencé par essayer d’amadouer l’opinion en laissant entrevoir une réduction du service à deux ans. En réalité, tout se réduit à une augmentation imprévue et démesurée des forces militaires de l’Allemagne. La loi nouvelle ajoute à une armée qui pouvait passer, ce semble, pour assez puissante, 173 bataillons, 12 escadrons, 60 batteries d’artillerie, 24 bataillons de pionniers, de nouveaux cadres permanens de plus de 2,000 officiers, de près de 12,000 sous-officiers ; elle ajoute, de plus, à l’effectif annuel, un modeste supplément de 72,000 soldats. Le résul-