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procédés ou secrets pratiques, l’auteur parle du chapiteau à trois et quatre becs, pourvus chacun de son tube et récipient. C’est toujours le vieil appareil de Zosime. Mais Porta décrit deux perfectionnemens capitaux qui sont restés dans l’industrie moderne : celui des condensations graduées durant le cours d’une même opération et celui du serpentin réfrigérant ; il n’en était pas sans doute l’inventeur, se bornant à reproduire la pratique de son temps. Voici ce dont il s’agit : dans les descriptions de Zosime, les trois tuyaux de l’alambic sont situés à la même hauteur : ils dégageaient sans doute une vapeur identique ; les idées des chimistes de l’époque étaient trop vagues pour qu’ils pussent en attendre autre chose. Au contraire, les trois tubes de l’alambic de Porta sont situés à des hauteurs inégales, et l’auteur ajoute que le tube le plus élevé fournit l’esprit-de-vin le plus pur. On entrevoyait déjà les idées qui ont concouru à nos appareils de rectification fractionnée, avec série de chambres et de plateaux superposés, débitant un alcool de plus en plus concentré, à mesure qu’on s’élève. Mais cette disposition fut abandonnée ; du moins on n’en retrouve plus trace aux siècles suivans. Ici, comme dans bien d’autres circonstances, les hommes du XVIe siècle ont aperçu les progrès les plus modernes ; mais par une sorte d’intuition, sans posséder ces notions claires et ces principes de physique exacts, à défaut desquels le progrès demeure accidentel et passager.

Un autre perfectionnement plus durable est celui du serpentin. En voici l’utilité. Les alambics des Grecs permettaient sans doute d’obtenir des liquides distillés, mais à la condition d’opérer très lentement et avec une très douce chaleur. En effet, les vapeurs se condensaient mal dans les tubes et les chapiteaux à faible surface représentés par les manuscrits. Pour peu que l’on essayât d’y activer la distillation, les récipiens devaient s’échauffer, et la condensation devenait presque impossible. Aussi les vieux auteurs prescrivent-ils de chauffer leurs appareils sur des feux très légers. Ils opéraient par l’intermédiaire des bains de sable, des bains de cendre ou des bains d’eau : le nom même de bain-marie présente un lointain souvenir de Marie, l’alchimiste égyptienne. Souvent même ils se bornent à opérer les distillations par la seule chaleur du fumier en fermentation, ou tout au plus par un feu lent de crottins, ou de sciure de bois. Voilà pourquoi leurs opérations étaient si lentes ; leurs distillations duraient des jours et des semaines. Il faut quatorze jours, ou vingt et un jours, dit un texte, pour accomplir l’opération. Non-seulement on assurait ainsi l’effet des digestions et des cémentations, destinées à faire pénétrer peu à peu les principes