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pensions de retraite des anciens fonctionnaires doivent être payés en Angleterre et, par conséquent, en or. L’administration de l’Inde doit, à ces titres divers, se procurer annuellement la somme de 375 millions en or. L’élévation du change entraîne donc pour elle une perte considérable qui pèse lourdement sur son budget ; et les particuliers subissent le contre-coup de la concurrence qui leur est faite sur le marché par l’administration. Le gouvernement anglais est en partie responsable de cet état de choses. Pour solder ses achats, l’Angleterre avait autrefois des envois importans d’espèces métalliques à faire dans l’Inde ; de 1868 à 1872, elle a ainsi expédié dans l’Inde un milliard en espèces métalliques or et argent, et 757,500,000 francs en traites. À cette dernière date, le gouvernement métropolitain a eu la pensée de créer, sous le nom de council bills, des traites en représentation des paie-mens que l’administration anglo-indienne avait à lui faire ; et il a vendu ces traites aux négocians anglais qui avaient des paiemens à faire dans l’Inde. Il en est résulté que, de 1872 à 1876, les remises anglaises ont été faites, 412,500,000 francs en espèces métalliques et 1,262 millions en council bills. Le mouvement a continué et les council bills entrent, chaque année, pour trois cinquièmes dans les paiemens que l’Angleterre fait dans l’Inde. Les centaines de millions que l’Inde ne reçoit plus en espèces auraient été demandées par l’Angleterre aux États-Unis ou au Mexique qui ont perdu à ce changement un important débouché.

Hâtons-nous de dire que le trouble n’existe que dans les relations entre l’administration anglo-indienne et la métropole : la population n’en souffre pas, les transactions à l’intérieur du pays continuent sur l’ancien pied. Le conseil des finances de l’Inde, dans un rapport sur la situation financière, constatait que « les valeurs actuelles, exprimées en argent, des marchandises d’un usage général, ne fournissent aucune preuve de diminution dans la valeur de l’argent. » Si le gouvernement est quelquefois embarrassé, le pays ne s’appauvrit pas et ne désire aucun changement.

Consultée sur la question monétaire, dans l’enquête de 1886, la chambre de commerce de Bombay vota, à une très grande majorité, la déclaration suivante : « Tout en reconnaissant les inconvéniens des constantes variations du change, la chambre est d’avis, après avoir étudié la question sous toutes ses faces, que la baisse du change laisse une marge de bénéfice au commerce et à la population de l’Inde, et qu’il convient de laisser les choses suivre leur cours naturel. »

Le gouvernement anglais s’en est tenu jusqu’à présent au judicieux avis de la chambre de commerce de Bombay ; et tous