Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 114.djvu/424

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et à convoquer le congrès ; en échange, il demandait la suspension des hostilités et, par un article secret, la promesse d’appuyer la nomination de Sarria, son ministre de la guerre, comme président. Ces offres furent-elles réellement faites et, si elles le furent, avaient-elles d’autre but que de gagner du temps pour assurer sa fuite ou lui permettre de tenter, une fois encore, la chance des armes ? On pouvait le croire, en voyant Pajacio vider Caracas de ses défenseurs, envoyer 3,000 hommes combler les vides de son armée battue sous Valencia et donner l’ordre à ses généraux de se préparer à de nouveaux combats.

L’intervention de Monagas, son principal lieutenant, l’empêcha de donner suite à ce projet. Au reçu des instructions de Palacio, Monagas quitta les avant-postes de Valencia, se rendit à Caracas, à la casa Amarilla, et mit le président en demeure de renoncer à toute résistance. L’entrevue fut émouvante. Avec le récit de Monagas, et celui qu’en fit Palacio, récits que nous avons sous les yeux et qui diffèrent peu dans leurs lignes principales, on peut reconstituer la scène.

Palacio insista sur la nécessité et la possibilité de continuer la lutte. Avec les débris de son armée, il pouvait encore mettre en ligne 6,000 hommes ; en leur adjoignant les garnisons de Puerto-Cabello, de Victoria, de Caracas et de la Guayra, ce chiffre serait plus que doublé ; il rappellerait les troupes de Ciudad-Bolivar, et enfin Caracas était en état de tenir longtemps contre un ennemi mal pourvu d’artillerie. Par les prières, les menaces et les promesses, il s’efforçait de convaincre Monagas.

— Il ne reste plus rien à tenter, répliqua le général, et il est inutile de faire encore couler le sang. Les troupes que j’ai sous mes ordres sont des recrues sans solidité et inférieures en nombre à nos adversaires. Elles sont convaincues de leur impuissance à tenir contre les Indiens et les vétérans de Crespo, hommes aguerris, bien équipés et pleins d’enthousiasme. Je puis, dites-vous, livrer une bataille encore, mais le résultat n’en est pas douteux. Crespo sera victorieux, et je ferai massacrer mes soldats. Je me refuse à les mener à une mort certaine. De tous côtés l’ennemi nous enserre ; il avarice au sud, à l’est et à l’ouest. Il n’y a plus d’espoir, il ne reste qu’à capituler, fuir ou mourir.

Monagas achevait à peine qu’un messager apportait au président la réponse et l’ultimatum de Crespo. Il exigeait la remise entre les mains de gouverneurs désignés par lui, de Caracas et des places encore occupées par les généraux de Palacio, le licenciement de son armée, la libération des juges de la cour suprême et des détenus politiques, la démission du président et son remplacement