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dans la capitale en libérateur, il réorganisait la cour suprême, licenciait l’armée du Centre et celle de Los Andes, renvoyant les Indiens à la récolte du café, ne gardant sous les armes que ses vétérans.

Sa tâche militaire est terminée ; il a su la mener à bonne fin, et la fortune ne lui a pas fait défaut, non plus qu’il ne lui a fait faute. Le suivra-t-elle jusqu’au bout dans l’œuvre nouvelle qui lui incombe et la perspicacité de l’homme d’État sera-t-elle à la hauteur de l’habileté du capitaine ? Cette œuvre apparaît singulièrement complexe : remplir un trésor vide et relever un crédit ébranlé, reconstituer une administration désorganisée et réformer une constitution hors d’état de fonctionner, substituer à la vénalité une bonne gestion des affaires et des deniers publics, apaiser les haines et désarmer les vengeances, serait déjà une tâche difficile et de longue haleine ; elle n’est pas la seule, et avant peu, le Venezuela se trouvera en présence d’une question de politique extérieure dont on ne saurait se dissimuler la gravité.

Nous y avons fait allusion plus haut, en parlant des négociations entamées par Andueza Palacio avec l’Angleterre, à laquelle il offrait, en échange d’un prêt d’argent, des concessions dans le règlement des difficultés pendantes au sujet du tracé de la limite entre la république et la Guyane anglaise. Cette dernière confine, à l’ouest, au Venezuela, au territoire de l’Yuruari ; elle touche, au nord, à la Boca de Navios, aux rives de l’Orénoque.

Depuis longtemps l’Angleterre réclame une rectification de frontières qui lui donnerait un port à l’estuaire du fleuve et la libre pratique du grand réseau fluvial qui sillonne le Venezuela, qui, par ses artères intérieures, par ses affluens nombreux, se relie à l’Amazone et au rio de la Plata, seuil d’accès de la Colombie, du Pérou, de la Bolivie, du Brésil, du Paraguay, de l’Uruguay et de la République Argentine. Cette concession donnerait, en outre, à la colonie britannique l’un des plus riches territoires du Venezuela, celui qui semble appelé, dans un avenir prochain, à prendre le premier rang parmi les États, celui qui éveille le plus les convoitises des colons et des mineurs de la Guyane anglaise. Les plaines fertiles de l’Yuruari, leurs plantations de coton, cacao, canne à sucre, tabac, fèves de Tonka, rivalisent avec leurs mines d’or. C’est là que se trouve la célèbre mine du Callao, dont le rendement annuel dépasse 11 millions et qui, constituée avec un capital primitif de 322,000 francs, a déjà payé à ses actionnaires plus de 67 millions. Elle n’est d’ailleurs pas la seule de cette région, dont l’extraction d’or dépasse actuellement 24 millions et dont les mineurs de Georgetown ont.déjà, à plusieurs reprises, tenté de s’emparer à main armée.

Cédant à leur pression, alléguant l’impossibilité où elle se