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Jeanne, mais son oncle, Philippe le Long. Le duc de Bourgogne, Eudes, se posa en défenseur des prétendus droits de sa nièce, pour laquelle il réclamait aussi le royaume de Navarre et le comté de Champagne, et s’unissant aux restes des anciennes ligues, il refusa en même temps qu’un certain nombre de vassaux de Champagne de rendre hommage au roi pour les fiefs qu’ils tenaient dans cette province. Cette fois, Joinville et les siens ne le suivirent pas. Ce fut même le fils aîné du sénéchal, Anseau, sire de Reynel, que Philippe chargea d’aller négocier avec les rebelles l’accord qui amena la soumission du duc de Bourgogne. Il semblait d’ailleurs que le nouveau souverain se fût pénétré de ces exemples de saint Louis que Joinville avait mis sous les yeux de son frère pour que tous les jeunes princes en profitassent : il s’attachait à réparer les maux du règne de Philippe le Bel, et c’est en paix avec son roi que le vieux compagnon de saint Louis s’éteignit plein de jours le 24 décembre 1317.


III.

L’Histoire de saint Louis ne dut pas être fort répandue lors de sa première publication. L’auteur avait à peine fermé les yeux, qu’elle tomba dans l’oubli d’où elle ne sortit que deux siècles plus tard. On n’en connaît aujourd’hui que trois manuscrits, tous postérieurs à la mort du sénéchal et dérivant de deux types facilement reconnaissables : celui qui fut présenté à Louis Hutin et celui que Joinville conserva dans son château. Le premier, on l’a vu, contenait à l’adresse de Philippe le Bel des paroles sévères que le roi ne devait guère se soucier de mettre sous les yeux de ses sujets ; il resta donc enseveli dans quelque recoin de la librairie royale où il se trouvait encore sous Charles V, mais quelque « bien escript et historié » qu’il fût, il ne paraît pas avoir attiré l’attention du roi bibliophile. Il disparut même complètement dans la suite, et l’exemplaire qui le représente aujourd’hui ne fut mis en lumière qu’au milieu du XVIIIe siècle. C’est aux victoires françaises qu’on doit de l’avoir recouvré ; c’est à Bruxelles que le maréchal de Saxe en retrouva une ancienne copie qui, aussitôt mise à profit pour l’édition de Melot, Sallier et Capperonnier, tient aujourd’hui dans notre grande collection nationale la place du manuscrit original.

La rédaction dérivée de l’exemplaire personnel de Joinville tarda moins à être mise en lumière, et cependant près de deux siècles s’écoulèrent avant qu’on en fît usage. Les circonstances en effet