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MADAME MÈRE
D’APRÈS UNE PUBLICATION RÉCENTE

Dans les derniers jours de sa longue vie, la mère de Napoléon Ier s’amusait à composer son autobiographie, et voici ce qu’elle dictait à sa dame d’honneur, Mlle Rosa Mellini : « Je me mariai, à l’âge de treize ans, avec Charles Bonaparte, qui était un bel homme, grand comme Murat. À trente-deux ans, je restai veuve, et Charles mourut à l’âge de trente-cinq ans, à Montpellier, victime de douleurs d’estomac, dont il se plaignait toujours, surtout après qu’il avait dîné… En dix-neuf ans de mariage, je fus mère de treize enfans, dont trois moururent en bas âge et deux en naissant. Devenue mère de famille, je me consacrai entièrement à la bonne direction de celle-ci, et je ne sortais de chez moi que pour aller à la messe. » Elle ajoutait que toutes les fois qu’elle relevait de couches, sa belle-mère se croyait obligée d’entendre une messe de plus, et finit par en entendre neuf par jour. Elle remarquait à ce sujet que s’il est bon d’aller souvent à l’église, le premier devoir des mères de famille est de sortir de chez elles le plus rarement possible. « D’ailleurs, poursuivait-elle, ma présence était nécessaire pour mettre un frein à mes enfans, tant qu’ils furent petits. Ma belle-mère et mon mari étaient si indulgens à leur égard qu’au moindre cri, à la moindre réprimande, ils accouraient à leur aide, en leur faisant mille caresses. Pour moi, j’étais sévère ou indulgente, en temps voulu. Aussi étais-je obéie et aimée de mes enfans, qui, même après avoir grandi, m’ont toujours témoigné, dans tous les temps, le même amour et le même respect. » Ainsi s’exprimait la mère d’un empereur dont l’histoire fut une épopée ; elle n’avait dans le style, comme on voit, rien d’impérial, rien d’épique, et il est de simples particulières qui haussent davantage le ton en racontant leur vie.